La première guerre mondiale 

 


La première guerre mondiale a laissé sa trace sur ma généalogie. Mes 4 arrières-grand-pères y ont participé avec des conséquences plus ou moins tragiques.



Tout d'abord mon arrière-grand-père Louis DUVAL fit son service militaire comme tous les hommes de son âge. Il faisait partie de la classe de 1901, dont voici le dossier de recensement :

Recensement 1901 page 1

Recensement Louis DUVAL
Recensement Louis DUVAL

Recensement Louis DUVAL
Recensement Louis DUVAL

Mentions concernant le degré d'instruction des soldats :

Degré 0 : ne sait ni lire ni écrire

Degré 1 : sait lire seulement

Degré 2 : sait lire et écrire

Degré 3 : possède une instruction primaire plus développée

Degré 4 : a obtenu le brevet de l'enseignement primaire

Degré 5 : bachelier, licencié, etc. (avec indication de diplôme)

Degré X : dont on n'a pas pu vérifier l'instruction



Ses états de service, retrouvés aux archives départementales des Vosges, ne furent malheureusement pas mis à jour après le recensement, ce qui ne permet pas de suivre ses affectations et ses campagnes. La famille a conservé deux photos de lui en uniforme d'apparat, en raison des épaulettes portées traditionnellement sur cet uniforme, qui nous permettent d'identifier deux affectations par le numéro du régiment inscrit sur le col :

Service Militaire Louis DUVALService Miliraire Louis Duval

Malheureusement, comme beaucoup, il fut mobilisé lorsque la guerre fut déclarée, malgré deux enfants en bas âge. En 1915 il était soldat au 170° régiment d'infanterie de ligne, stationné à Epinal, surnommé le "Régiment des hirondelles de la mort" et dont la devise était "terrain conquis, terrain gardé", ce qui nous permet de le suivre à priori si nous considérons qu'il fit toute la guerre dans ce régiment :

1914
Monument du 170e RI à Merviller
Sur la route de Merviller à Montigny (Meurthe-et-Moselle, au Nord-est de Baccarat) un monument du 170e R.I. rappelle cet événement. Il fut inauguré le 03.09.1938 en présence du colonel du 170°e R.I., d'une compagnie et de la musique du régiment.
Sous l'insigne des hirondelles de la mort du 170° R.I. : "A la mémoire du premier des 2880 tués du 170e R.I., Louis PELLETIER, né à Uriménil (Vosges) le 27 décembre 1892, tombé en ce lieu comme éclaireur de l'avant-garde, 8e Cie - Cap. Le Folcalvez, le 24 septembre 1914, baptême du feu du régiment."

Centenaire de la guerre
Le centenaire du premier tué du 170° RI a fait l'objet de recherches de la part des écoliers d'Uriménil en 2014

1915

Les Eparges furent le théâtre d’une des luttes les plus meurtrières de la Première Guerre mondiale. Les Allemands s’acharnèrent pour la possession de la crête, et les attaques et les contre-attaques, les combats corps à corps et à la grenade, sous un bombardement d’obus de tous calibres et sous l’écrasement des torpilles se renouvelèrent pendant une période de 5 mois dans les conditions les plus pénibles. Lors de ces assauts, les hommes furent tués, engloutis dans la boue, déchiquetés par les mines dont les immenses cratères ponctuent la montée vers le sommet de la crête. Le 170e R.I. arrive sur les lieux sur la fin de cette bataille. Le 30 Avril 1915, il se trouve aux Eparges (Tranchée de Calonne) où le 5 Mai, il repousse une forte attaque ennemie lancée après un furieux bombardement.

Louis DUVAL fut porté disparu ce jour du 5 mai 1915 aux Eparges, durant la bataille de la tranchée de Calonne, probablement victime de ce "furieux bombardement" ou de l'attaque ennemie qui suivit.

Pour se rendre compte de la fin que Louis DUVAL vécut, il faudrait lire les souvenirs de Maurice Genevoix qui a également combattu sur la crête des Eparges, sur cette même tranchée de Calonne, et qui a écrit ses souvenirs dans 4 livres : Sous Verdun, Nuit de guerre, La Boue, Les Éparges. Ils ont été condensés en un seul livre : « Ceux de 14 ».

Maurice Genevoix
Maurice Genevoix

Le lieutenant Maurice Genevoix fut blessé de trois balles le 24 avril 1915 près du Carrefour de Calonne, quelques jours avant la disparition de Louis DUVAL à ce même endroit. Il fut ensuite évacué et réformé. Un film reprend l'histoire de Maurice Genevoix : cliquer pour voir la vidéo

Un autre écrivain célèbre perdit la vie au début des combats près des Eparges le 22 septembre 1914. Il s'agit d'Alain Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes, dont le corps fut finalement retrouvé en 1991 à quelques centaines de mètres de cette même Tranchée de Calonne.

Alain Fournier
Alain Fournier

Un film reprend l'histoire d'Alain Fournier et donne des images des fouilles de 1991 : cliquer pour voir la vidéo (partie 1) et cliquer pour voir la vidéo (partie 2)

Alain FournierAlain Fournier
Alain FournierAlain Fournier
Alain Fournier
Alain FournierAlain Fournier
Alain FournierAlain Fournier
Mémorial en mémoire d'Alain Fournier et de ses compagnons, sur le lieu de leur découverte, dans la forêt près de la tranchée de Calonne.

Le 170° Régiment d'Infanterie aux Eparges (avril-mai 1915 - source http://170-ri.over-blog.com/article-le-cent-septante-dans-la-grande-guerre-v-106625249.html) :
Le régiment (170 RI) quitte Mesnil-lès-Hurlus dans la nuit du 23 au 24 mars ; il cantonne le 24 à Somme-Tourbe, le 25 et le 26 à Poix et arrive le 27 à Saint-Amand-sur-Fion. Les marches vers l'arrière, après les combats aussi rudes, sont "horriblement pénibles", suivant l'expression de M. le médecin chef Fournereaux, dans le journal de marche de l'infirmerie régimentaire. "Les hommes ajoute-t-il, peuvent à peine se traîner et les éclopés encombrent les routes".
Du 27 mars au 4 avril, le régiment cantonne à Saint-Amand.          
Le 4 avril (jour de Pâques) l'ordre arrive de changer le cantonnement. Le soir, on était au village de Saint-Julien, en la commune de Courtisols.
Le 170e prendra jusqu'au 27 avril un repos bien mérité.
Dans la soirée du 27 avril, il embarque en camions automobiles. Pendant toute la nuit il va rouler. Il gagne par Souilly la région de Verdun. Le 28, il cantonne dans un des faubourgs de la ville à Jardin-Fontaine. Le 29, il se met en route vers la tranchée de Calonne et couche au château de Bernafant. Le 30 au soir, enfin; il monte en ligne, dans les bois de Hauts de Meuse, à l'est de la tranchée de Calonne, à l'ouest du village des Eparges.
La région est accidentée ; des bois, des prairies recouvrent des pentes abruptes ou des vallonnements en pente assez douce. Ces bois naturellement touffus deviennent, sous l'action de l'artillerie, un enchevêtrement inextricable de branchages et de troncs d'arbres brisés. forêt, décapités par les 210, formaient de véritables barricades, rendant les liaisons très difficiles. Il n'y avait pour tout abri que d'anciennes sapes d'artillerie à demi effondrées et pour ainsi dire pas de tranchées tellement la canonnade rendait le terrain chaotique.
Le régiment ne restera là que six jours. Les quatre premiers sont à peu près tranquilles, malgré la fréquence des bombardements. Le régiment organise le secteur et creuse autant qu'il peut une première ligne. Avant lui existait seulement une sorte de chemin creux à demi nivelé constituant le deuxième ligne.
Mais le 5 mai, le bombardement va devenir formidable. De 4h15 à 10 heures du matin, il augmente sans cesse d'intensité, commençant par prendre notre deuxième ligne pour principal objectif, puis s'étendant aussi à notre première ligne ; il nous cause des pertes sensibles, bouleverse les parapets, désorganise nos positions, ensevelit sous les éboulements un certain nombre d'hommes. Les mortiers de 210 se montrent particulièrement redoutables. Un nombre considérable de minenwerfer de gros calibre aide puissamment l'artillerie ennemie.
A 10 heures précises, les Allemands sortent de leurs tranchées. Ils attaquent en lignes denses le 2e bataillon. La 7e compagnie résiste vaillamment et conserve ses positions. Malheureusement les 5e et 8e très éprouvées par le bombardement, fléchissent malgré leur résistance acharnée sous la pression de forces trop supérieures en nombre. Le Boche réussit à prendre pied dans notre première ligne. Les 3e et 4e compagnies, placées en réserve, volent aussitôt à leur secours, ainsi que les tirailleurs marocains. L'avance de l'ennemi est enrayée. A 13h15, le lieutenant-colonel Naulin, commandant le 170 R.I. , se porte de sa personne au P.C. du 2e bataillon pour diriger la contre-attaque destinée à reprendre les tranchées perdues. Après avoir inspecté la position rendue très défectueuse à cause des véritables abatis d'arbres faits par le bombardement de la matinée, il donne l'ordre de contre-attaquer à 14h30.
La contre-attaque partira à la sonnerie de la charge exécutée par les clairons du 2e bataillon, et devra coûte que coûte déloger à la baïonnette l'ennemi de la position qu'il occupe.
L'exécution fut aussi heureuse que l'ordre avait été énergique. Au signal, le 170e à droite, tirailleurs marocains à gauche, s'élancèrent sous bois avec une telle furie que du premier coup, malgré les pertes sensibles, notre première ligne est reprise ; nous y faisons prisonniers 1 officier et une dizaine d'hommes. Les autres ont été tués sur place ou se sont enfuis.
Dès 15 heures, la tranchée que nous avions momentanément perdue était définitivement reconquise. Jusqu'à 19 heures, l'ennemi tenta de violents retours offensifs. Il avait la supériorité du nombre. Il semble qu'il ait voulu à tout prix s'assurer la possession durable de la position qu'il avait à peine possédée quelques heures. Mais ces efforts restèrent inefficaces. Toutes les fois qu'il revint à l'assaut notre fusillade et nos mitrailleuses jonchèrent de cadavres le terrain qu'il ne put jamais ressaisir que par ses morts.
Nous ne pouvons mieux faire, pour donner une idée complète de ce magnifique combat, que de citer la conclusion du rapport du lieutenant-colonel Naulin à M. le général commandant la 95e brigade : "Après avoir été soumis six heures durant au bombardement violent d'une artillerie de gros calibre, le 170e R.I. a ensuite pu tenir tête, avec l'appui du régiment marocain, à une attaque puissamment organisée, qui a duré sans répit de 10 heures à 19 heures. Seules la valeur individuelle des hommes et l'énergie des gradés combattants dans des tranchées à peine organisées, ont permis au régiment de repousser cette attaque. "L'effort donné par tous à cette occasion a été considérable".
Les pertes supportées par le régiment furent très lourdes : 18 officiers (dont 6 tués, 8 blessés, 4 disparus) et 747 hommes (dont 145 tués, 319 blessés, 283 disparus).
Mais l'ennemi subit un tel échec et qui lui fut si onéreux qu'il ne réagit plus ; la journée du lendemain fut particulièrement calme. C'était le 6 mai.
Dans la nuit du 6 au 7 mai, le régiment quitte les tranchées et descend à Thierville, où il se reposera jusqu'au 14 mai. Le 14, il monte à Verdun, et s'embarque pour le Nord dans la gare même de la ville.

Récemment, le Service Historique de la Défense a mis en ligne le journal du 170° RI et je reprends ici les paragraphes qui nous intéressent détaillant l'arrivée et l'installation du régiment aux Eparges, ainsi que la bataille fatale à notre ancêtre :

Extrait du journal du 170° RI
(source : JMO du 170° RI - Service Historique de la Défense Nationale)

30 avril 1915
Reçu ordre de la Brigade prescrivant au Régiment de se rendre sur le front pour tenir une ligne située à l'Est de la tranchée de Calonne s'étendant sur 1200 m environ.

Ordre de Mouvement, ferme de Murauvaux/30/4/1915.

I. Ce soir, le Régiment ira occuper le front défensif situé à l'Est de la Tranchée de Calonne.
II. Le 3° Bataillon, appuyant sa droite à la tranchée de Calonne relèvera le 126° d'Infanterie. Le 2° Bataillon tiendra la gauche de la ligne et relèvera le 203°. Toutes les indications seront recueillies sur place par le Commandant du Bataillon de Cavalerie relativement aux détails du service.
III. Les officiers supérieurs et Commandants d'Unités partant à 19 heures de Murauvaux se porteront sur le front pour en faire la reconnaissance. Dans chaque Compagnie, un sous-officier accompagnera le Capitaine pour aller au devant de la troupe qui suivra l'itinéraire : Tranchée de Calonne, Carrefour des trois jurés, carrefour central où la tête du Régiment s'arrêtera.
IV. Ordre de marche 2° Bataillon, 3° Bataillon, 1er Bataillon.
On laissera de très grands intervalles entre les Compagnies de manière à éviter les accidents dus à l'Artillerie ennemie.
Passage de la tête du Régiment à l'embranchement de Murauvaux 7h30.
Le train de combat s'établira vers cet embranchement. Le train régimentaire restera à Belrupt. Les voitures d'outils transporteront ce matériel à 400 m au nord du carrefour central.

Exécution

La relève est achevée à 24 heures. Le Régiment occupe le terrain dans les conditions suivantes :
A droite : 3° Bataillon (1ère ligne)
A gauche : 2° Bataillon (1ère ligne)
Dans chacun de ces Bataillons, une Compagnie est établie en renfort ç une distance de 150 m environ en arrière de la 1ère.
Le 1er Bataillon occupe la 2° ligne avec 2 Compagnies. Les 2 Compagnies disponibles sont en réserve à 400 m au Nord de la route Carrefour Central Les Eparges.
Poste de commandement du Colonel près du Chemin carrefour central Les Eparges à 100 m environ du Carrefour.

Plan 170° RI
Plan de déploiement du 170° RI aux Eparges le 30 avril 1915, au sud-est du carrefour entre la Tranchée de Calonne et la route des Eparges à Mouilly
Le Nord y est représenté en bas.
(source : JMO du 170° RI - Service Historique de la Défense Nationale)

JMO 87 RI
Plan plus précis des tranchées du secteur occupées par le 87° RI d'avril à juin 1915 (tranchées françaises en rouge et allemandes en bleu).
(source : JMO du 87° RI - Service Historique de la Défense Nationale)


tranchée de calonne
La Tranchée de Calonne n'était pas une tranchée militaire mais un chemin forestier rectiligne tracé par Charles Alexandre de Calonne, ministre de Louis XVI, reliant Hattonchâtel à Verdun.


Les eparges plan avec legende
Plan général de la ligne de front dans la région des Eparges, situation de fin avril 1915 à juin 1915, avec localisation du 170° RI.
L'éperon des Eparges état le point le plus stratégique du champ de bataille et fut l'objet de conquêtes successives françaises et allemandes.
(source : http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)

Carte moderne les epargesCroisement Calonne
Localisation moderne des combats: nous voyons clairement l'intersection de la tranchée de la Calonne et de la route des Eparges à Mouilly, que Maurice Genevoix dans son oeuvre nomme 'Le Carrefour de Calonne'.


Carrefour de Calonne Guide MichelinCroisement de Calonne en 2013
Localisation du 'carrefour de Calonne', entre la tranchée de Calonne et l'ancienne route des Eparges à Mouilly, juste après la guerre (1919) et de nos jours (2013).
Louis DUVAL a disparu le 05 mai 1915 sur ce terrain à l'arrière de la pancarte en bois.
Sa localisation de nos jours est très facile puisque situé juste après la borne du kilomètre 9 de la départementale D331.

Localisation Carrefour de Calonne
Localisation de la prise de vue du carrefour, ancienne (1919) et moderne (2013), ci-dessus.


Calonne tombe Guillie
Le même jour que Louis DUVAL, le 5 mai 1915, est mort à la tranchée de Calonne le sous-lieutenant Robert GUILLIE, du 46° régiment d'artillerie, en souvenir duquel a été érigée une stèle le long de la tranchée de Calonne.
Sont également morts ce même jour deux GAUDEL du 170° RI auxquels une page Internet est dédiée.



Dispositif des unités dans les Compagnies :
Bataillon de droite (front) : 11, 10, 9° Compagnies.
Bataillon de gauche (front) : 8, 5, 7° Compagnies.
Eléments de renforts à droite : 12° Compagnie.
Eléments de renfort à gauche : 6° Compagnie.
Bataillon de réserve : sur la tranchée de 2° ligne : 1° et 2°.
En réserve : 3° et 4° (troupes disponibles).
La Compagnie de mitrailleuse est répartie sur le front.
 
1er mai 1915
Etat des travaux dans le secteur :
Tranchée de 1ère ligne : ébauchée.
Tranchée de 2° ligne : (... au sud du Carrefour central) très avancée.
Boyaux de communication : n'existent pas.
Défenses accessoires : n'existent pas sur le front, réseau complet sur la 2° ligne.

2 mai 1915
Travaux exécutés pendant la journée :
Approfondissement et aménagement de la tranchée dont les éléments sont réunis.
Les compagnies de renfort établissent une ligne de tranchée (voir croquis) à 100 m environ de la 1ère.
Des ciseaux bruns sont placés pendant la nuit devant la 1ère ligne.
Bombardement intermittent, plus particulièrement sur la 2° ligne, l'Infanterie allemande tire peu.

3 mai 1915
Travaux exécutés :
Continuation de l'organisation de la position.
Tranchées de 1ère ligne : ont atteint la profondeur voulue ; les travaux d'aménagement sont entrepris.
Tranchées de soutien : la construction de ces tranchées par les compagnies de renfort est poussée très activement 6° et 12° Compagnies.
Tranchées de 2°ligne : achevées comme tranchées, les abris sont commencés.
Boyaux de communication : en construction, permettent dans la partie centrale de gagner à l'abri la 8° Compagnie, ébauchés dans le sous-secteur du 3° Bataillon.
Bombardement léger. Aucune action d'Infanterie.

3 mai 1915
Les travaux se poursuivent. Le boyau de communication entre la route des Eparges et les tranchées de soutien du 2° Bataillon sont commencés.
L'Artillerie allemande tire fréquemment ; les abris de 2° ligne subissent des dégâts.
L'Infanterie ennemie demeure calme et continue ses travaux d'organisation défensive.

4 mai 1915
Tous les travaux sont en cours, et n'exigent plus qu'un perfectionnement.
Le bombardement est intermittent mais plus violent et plus fréquent qu'au cours des journées précédentes.

5 mai 1915
4 h
Bombardement extrêmement violent sur toute l'étendue du secteur. Sur le front les allemands lancent des bombes nombreuses et puissantes qui détruisent les parapets dans la partie centrale de la ligne. Le Capitaine commandant le 2° Bataillon (Capitaine Cocagne) est tué dans son abri.
10 h
Le bombardement qui a duré 6 heures cesse brusquement. Quelques pièces seulement tirent sur la 2° ligne.
10 h 05
L'Infanterie allemande prononce une violente attaque sur tout le front (ligne de tirailleurs suivies de petites colonnes qui renforcent la chaîne aux arrêts.
Cette attaque est principalement dirigée :
1° à droite de la ligne sur le centre de la 11° Compagnie et la droite de la 10°. La ligne allemande atteint le réseau de fil de fer qu'elle ne peut franchir ; les pertes subies sont élevées.
2° à gauche l'ennemi exécute plusieurs attaques qui toutes échouent ; les éléments allemands se replient définitivement sur leurs tranchées.
3° au centre, où les ciseaux de fil de fer ont été brisés par les mineurverfers et, grâce aux effectifs élevés mis en ligne, l'attaque atteint la ligne à gauche de la 9° et la droite de la 8° Compagnie. L'ennemi jette aussitôt des patrouilles dans le bois, patrouilles qui atteignent la route des Eparges.
A l'Ouest de la trouée produite, la 9° Compagnie se forme en crochet défensif et résiste énergiquement à la pression de l'ennemi.
A l'Est de la trouée, les 8° et 5° Compagnies qui continuent la défense face en avant, dans la tranchée, sont bientôt débordées par l'adversaire qui s'empare de plusieurs fractions.
La tranchée de 1° ligne est évacuée sur un front de 200 m environ.
La 7° Compagnie fait un barrage sur sa droite et continue la résistance face en avant.
10 h 15
Dès l'instant où l'ennemi commence sa progression dans le bois, le Capitaine commandant le 2° Bataillon qui dispose de la 6° Compagnie (renfort) porte un peloton en avant pour l'arrêter et établit un peloton dans les retranchements qui bordent au Nord la route des Eparges afin de s'opposer à l'infiltration de petits groupes allemands (ces tranchées sont occupées par des éléments du 311°).
10 h 30
Le Lieutenant-Colonel reçoit par communication verbale connaissance de la situation.
Ordre donné :
Les 1° et 2° Compagnies mettront immédiatement 1 Section à la disposition du 3° Bataillon pour renforcer la gauche de sa ligne avec l'autorisation du Commandant du Secteur de disposer des unités de réserve (3 et 4).
Ces 2 Compagnies reçoivent l'ordre de se porter vers le 2° Bataillon, dans le but de refouler l'ennemi et l'obliger d'évacuer la tranchée et le boyau dont il vient de s'emparer.
11 h 15
Le Capitaine commandant le 2° Bataillon fait appuyer le peloton qui fait face aux Allemands par le second peloton de la 6° Compagnie.
11 h 30
Les Compagnies du 1er Bataillon (3° et 4°) rejoignent la 6° Compagnie et provoquent avec celle-ci une vigoureuse attaque qui est enrayée par une section de mitrailleuse établie dans le boyau par les Allemands.
12 h 45
Un Bataillon de tirailleurs marocains demandé par le Lieutenant-Colonel du 170° atteint la route des Eparges (100 m à l'Est du carrefour).
3 Compagnies sont portées à l'appui des unités du 2° Bataillon.
1 Compagnie est envoyée en renfort du 3° Bataillon en vue de soutenir sa gauche.
14 h
Le Lieutenant-Colonel organise une contre-attaque comprenant 2 groupes : l'un à gauche composé de 3 Compagnies marocaines aux ordres du Capitaine de Villars, l'autre à droite comprenant 3 Compagnies du 170° aux ordres du Capitaine Gresser commandant le 2° Bataillon.
14 h 30
La contre-attaque se met en mouvement au signal de la charge donnée par les clairons du 2° Bataillon.
Les 2 colonnes sont établies de part et d'autre du boyau dont l'ennemi est en possession sur une longueur de 80 m environ.
Les Allemands résistent mollement, puis évacuent le boyau, et se retirent sans s'arrêter sur la tranchée de première ligne qui est enfin réoccupée.
Le mouvement des éléments de contre-attaque s'est trouvé facilité par l'entrée en action à la gauche du groupe comprenant 3 Compagnies marocaines des 2 unités de tirailleurs marocains mises à la disposition du 25° Bataillon de Chasseurs à pied.
Pendant la nuit du 5 au 6 mai, les éléments, quelque peu mélangés, se réorganisent.
Le 3° Bataillon du 170 est maintenu sur le front, le 2° Bataillon est retiré en raison de ses pertes élevées et remplacé par le 1° Bataillon de tirailleurs marocains.
Le 2° Bataillon est établi au repos à hauteur du carrefour des 3 jurés. Le 1er Bataillon reste en position.
La nuit du 5 au 6 Mai est relativement calme. Fusillade courte et intermittente sur le front. Peu de tir d'Artillerie.

6 Mai
Léger bombardement, journée calme.
A 21 heures, le régiment est relevé par le 91° Régiment d'Infanterie. Les Bataillons se retirent isolément et se rendent aux abris dits de Bernaton.
Ordre reçu concernant l'installation du 170° au cantonnement de Thionville dans la journée du 7 mai.

En plus du déroulement de la bataille, le journal du régiment nous apprend que Louis DUVAL, porté disparu le 5 mai 1915, faisait partie de la compagnie des mitrailleurs :

Deces Louis Duval
Liste des disparus du 170° RI le 5 mai 1915
citant Del Charles Louis DUVAL, 2° classe dans la Compagnie des mitrailleuses, répartie sur le front.


170 RI
Hommes du 170° RI, à noter les mitrailleurs, affectation de Louis DUVAL avant sa mort.

Un autre témoignage de cette nous est parvenu par la publication en 2013 du "Journal de Guerre" d'un médecin du 170° RI, Paul BEDEL aux éditions Tallendier:

4 mai 1915. Poste de secours de la Tranchée de Calonne

Je suis venu rejoindre le médecin-major à son poste de secours. Il est, lui aussi, violemment bombardé. Ses minces gourbis en branchages légers ne le protègent pas même contre les gros éclats. Le bombardement qui a duré toute la nuit ne cesse pas une seule minute. Notre artillerie se tait.

Vers 16h je vois arriver sur la route le colonel Pollachi avec son officier d’ordonnance, le bon et naïf Balizet. Ils s’arrêtent un instant pour souffler. Je plaisante Balizet sur son air inquiet : « Balizet, vous avez les foies… ! » (avoir les foies = avoir peur, expression de troupier). Ils reprennent leur route. Ils vont à deux cents mètres de là occuper l’abri du commandant du secteur. Soudain Baude arrive les yeux fous, la parole essoufflée : « Venez vite… Ba..li..zet.. est blessé… ! » Je cours avec quatre brancardiers. Balizet gît dans une mare de sang, la hanche est en bouillie, le bras gauche arraché… Je le transporte. On le panse. Pendant le pansement, il cesse de se plaindre, il cesse de respirer, il meurt. Pauvre Balizet !

A la nuit l’atmosphère devient agitée. On sent que « quelque chose » se prépare. Les fusils sont nerveux. Pour un rien la mitrailleuse tambourine.

Vers minuit je me rends avec Lépagnole auprès d’un blessé. Nous le pansons. La fusillade fait rage. En regagnant l’abri où nous couchons, je reçois une balle derrière la tête. Elle frappe violemment l’os occipital, sans le briser. Hémorragie. Nausées. Vertiges. Affolement de tout le monde. Notre bon aumônier qui passait la nuit là en prend des coliques. Il est certain que la balle au lieu de me raser le crâne eût aussi bien pu le traverser. Mais elle n’a pas voulu. Merci, balle boche !…

Un soldat allemand fait prisonnier il y a quelques jours a déclaré que son régiment devait attaquer en face de nous le 5 au matin. Par suite de ce renseignement nous sommes alertés. Nous montons nos sacs et nous restons équipés toute la nuit. Le 3ème bataillon vient nous renforcer dans nos emplacements. Il ne s’est rien passé d’anormal.

5 mai 1915. Poste de secours de la Tranchée de Calonne

Vers 2h du matin le bombardement prend soudain autour de nous une intensité inouïe. C’est un mélange de 105, de 150 et de 210, tombant par paquets, partout à la fois, avec un bruit qui finit par rendre réellement sourd. Quand le petit jour paraît la forêt est voilée de fumée. Ah ! la bonne odeur de poudre, chantée par les poètes et par les feuilletons ! C’est en réalité une affreuse odeur d’œufs pourris qui saisit à la gorge et porte à la nausée.

Pendant ce temps étendu dans mon gourbi j’ai, dès que je lève la tête, des vertiges tels qu’il me semble que je suis dans un tonneau dévalant une pente rapide. C’est insupportable. Tout seul, en proie au malaise, j’attends patiemment l’obus qui va me réduire en morceaux. Je regarde mes mains. Je regrette de me séparer d’elles. Voici trente ans qu’elles participent à toutes mes joies comme à toutes mes peines. Je n’ai, heureusement, pas de miroir. Le spectacle de mon visage m’attendrirait. J’attends la mort. Je suis allongé, les mains croisées sur la poitrine, les yeux fixés sur les petites étoiles scintillantes que fait le soleil par les trous de ma toiture de branches. Les obus tombent, tombent. Le sifflement en jet de vapeur qui précède pendant un centième de seconde leur chute, me fait chaque fois rentrer la tête dans les épaules. Est-ce celui-ci qui va m’éventrer ?… Non. Celui-là ?… Non. Il en arrive ainsi des centaines qui font bientôt des milliers.

A 9h dans le vacarme des obus je discerne le claquement des balles. Des faces hagardes apparaissent à la porte de mon gourbi : « On est perdu !… Ca recule !… Voilà les Boches ! Sauvez-vous !… » Alors je retrouve des forces pour insulter ces malheureux. « Je me sauverai en vous poussant vers l’ennemi à coups de bottes, tas de … » Et je rugis du fond de mon antre. Mais en voulant me lever je perds l’équilibre et je retombe sur ma couche. Cet incident m’a ôté toute ma belle résignation. Je suis furieux. Je sens que ça plie. La fusillade allemande est d’une extrême violence. La canonnade par contre diminue d’intensité. Il ne passe plus guère que des fusants. Les Marocains appelés en renforts arrivent sans difficulté par la tranchée de Calonne. Le 75 tambourine. Les blessés arrivent, affolés, couverts de sang et de sueur : « Le capitaine Cocagne est tué, écrasé sous son abri !… Le capitaine Voilqué a reçu une balle dans la tête. Son corps est là tout près du poste de secours… Le lieutenant Roederer ? Je l’ai vu tomber. Le lieutenant Plaisant aussi. Le lieutenant Boby est gravement blessé. Le lieutenant Magnonnaud a une balle dans la poitrine… Le lieutenant Hartmann est tué… Tué l’aspirant Comolet, tué le sergent Carrel, tué… » A entendre les blessés tous les officiers, tous les sous-officiers seraient tués. La chose n’est certaine que pour Cocagne et Voilqué.

Mais la situation s’améliore. La 8ème qui avait été violemment attaquée de flanc s’est reprise et après avoir reculé reprend du terrain. Roederer la commande avec Plaisant comme lieutenant. J’ai confiance.

Le colonel Pollachi est venu se placer dans un abri auprès de notre poste. Il nous dit que cela va bien. A 2h nous avons repris notre tranchée et nous poussons en avant. Des Marocains blessés arrivent en grand nombre. Nous connaissons de nouveau l’encombrement de Mesnil-les-Hurlus. Les obus recommencent à pleuvoir autour de nous. J’ai pu me lever, aider aux pansements.

A 4h accalmie. Tout va bien. L’attaque est complètement repoussée. Je puis m’en aller l’esprit tranquille.

Par la Tranchée de Calonne je gagne l’ambulance 3-2, dont les tentes sont installées à cinq kilomètres de là. En cours de route je rencontre le Dr Jeannel, de la société entomologique. Il a un poste de secours du 25ème chasseurs auprès de la « maison du cantonnier ». Je me repose un peu auprès de lui et je reprends ma route. Sur cette route on ne voit que des blessés avançant péniblement, se servant de leur fusil comme d’une béquille. J’aperçois le général Capdepont, donnant des ordres, une carte à la main, auprès d’une grosse pièce de 155 court qui rugit à fendre l’oreille.

A l’ambulance on m’emmaillote la tête dans un nouveau pansement. On me hisse dans une auto avec plusieurs autres blessés. Et nous filons à toute allure sur Verdun.

Nous sommes à 7h à la gare, hôpital d’évacuation. Une fiche : je suis dirigé en voiture sur l’hôpital I, hôpital St Nicolas. J’y arrive à 9h.

A peine dans la chambre qui m’est affectée, je suis saisi par un diligent infirmier, déshabillé, débotté ; mes jambes sont plongées dans un bain de pieds, savonnées, lavées, essuyées, séchées… On me place dans un lit… On m’apporte un pot de tisane. On baisse le gaz. La sœur s’éloigne sur la pointe des pieds. Et voilà.

Je recommande de lire intégralement "Journal de guerre" de Maurice BEDEL, publié en 2013 aux éditions Tallandier. Ce médecin militaire du 170° RI, prix Goncourt 1927, fut blessé à la Tranchée de Calonne le 4 mai 1915 et évacué le 5 mai 1915. Il sera plus tard affecté aux hautes Vosges, ce qui nous donne un témoignage nous intéressant également pour l'évocation des batailles du secteur et évoquées plus bas avec la guerre de René JOLY mon autre arrière-grand-père.


Les Eparges témoignage
Comment expliquer tant de disparus ? il suffit de lire le témoignage d'un soldat sur les lieux à cette époque.
(source : http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)

Journal du 126° Régiment d'Infanterie qui occupa ce secteur quelques jours après l'attaque que subit le 170° RI :
  • 10 mai 1915 : Le secteur occupé par le régiment avait été le théâtre d'une lutte violente au cours de laquelle l'ennemi avait réussi à enlever un élément de tranchée. les cadavres très nombreux et parfois inaccessibles sont restés sans sépulture.
  • 14 mai 1915 : Inhumation de nombreux cadavres et renvoi à l'arrière d'un matériel très important ramassé dans les tranchées (fusils, équipements, étuis... etc).

Les Eparges témoignage
Autre témoignage d'un soldat sur les lieux à cette époque.
(source : http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)

Les Eparges point X
Autre témoignage d'un soldat qui participa à une attaque de l'éperon des Eparges quelques jours avant l'arrivée du 170° RI dans les environs.
(source : http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)




TranchéeBombardement
De part et d'autre de la tranchée de Calonne subsistent des traces de tranchées militaires (à gauche) et des entonnoirs creusés par les bombardements (à droite).

Calonne obusBarbelés
Obus et barbelés près de la tranchée de Calonne, encore visibles en 2013.

Calonne abris
Abris encore visible en 2013 sous un chemin forestier près du Carrefour de la Calonne.

Parapet de tranchée
Sur cette image, nous voyons les pierres du parapet d'une tranchée abîmé par un engin forestier.


Un film amateur qui débute sur le Carrefour de Calonne, près duquel fut retrouvé le canon exposé devant le mémorial de Verdun, et continuant avec une visite des alentours permet de mieux comprendre le site des Eparges : cliquer pour voir la vidéo

La femme de Louis DUVAL fit rapidement faire des recherches par la Croix-Rouge car il semble que les informations dont elle disposait laissaient penser qu'il avait été blessé et fait prisonnier. Cependant les deux fiches rédigées en son nom par la Croix-Rouge révèlent une réponse négative à ses requêtes, ce qui signifie qu'il ne figurait pas dans les listes de prisonniers.

Fiche de Louis DUVAL à la Croix-Rouge Deuxièmes fiche de Louis DUVAL Croix Rouge
Fiches de Louis DUVAL à la Croix-Rouge initiées par sa femme avec réponses négatives (http://www.croix-rouge.fr/Actualite/Mise-en-ligne-des-archives-prisonniers-de-14-18-1785)

Le décès de Louis DUVAL ne fut officialisé de manière expéditive qu'en 1920 par un jugement du tribunal d'Epinal, comme beaucoup de dossiers de disparition de l'époque.

Jugement décès Louis DUVAL
Jugement décès Louis DUVAL
Jugement décès Louis DUVAL

Et le décès fut enfin transcrit sur les registres de la Commune d'Uriménil, cinq ans après son décès :

Décès Louis DUVAL
Décès Louis DUVAL

Une plaque fut créée en vue de l'apposer sur sa tombe, mais comme son corps ne fut jamais retrouvé, elle ne fut jamais utilisée. Il est à noter que sa photo est prise avec son uniforme du 152° régiment d'infanterie, probablement la seule disponible, et qu'elle a été inversée :

Plaque Louis Duval

Cette plaque permet de connaître ses décorations, décernées à titre posthume :

Le centre des archives du personnel militaire de Pau nous a confirmé l'attribution de ces décorations en 1921 avec la mention "Soldat brave et dévoué. Glorieusement tombé pour la France, le 5 mai 1915, aux Eparges".

Médailles et citationLouis Duval - Mention Mort pour la France

Son nom est désormais inscrit sur le monument aux morts d'Uriménil et figure dans le fichier des Morts pour la France :

Monument aux Morts d'UriménilMonument aux Morts d'Uriménil

A quelques kilomètres de la Tranchée de Calonne, le mémorial de St Rémy la Calonne contient de nombreuses sépultures de soldats inconnus où repose peut-être Louis DUVAL, ainsi que celle d'Alain FOURNIER :
Mémorial de St Rémy
NecropoleSaint-Remy-la-Calonne tombeTombe Alain Fournier
Mémorial de St Rémy la Calonne


Mon autre arrière-grand-père René JOLY fut plus chanceux. Comme le précédent, il fit son service militaire. Nous le trouvons sur le recensement de 1915, ce qui lui épargna les premiers mois de guerre :

Recensement 1915
Recensement René JOLY
Recensement René JOLY
Recensement de René JOLY en 1915

Cependant ses états de service (dossier 1R1702) signalent qu'il fut déclaré apte au service armé par le conseil de révision de 1914, soit une année avant le recensement.

René JOLY fut affecté à 19 ans le 15.12.1914 au 3° BCP (Bataillon de Chasseurs à Pied) qu'il intégra le 19.12.1914 pour une période de formation. Il fut ensuite affecté aux armées le 11.03.1915 au 121° BCP à sa création, plus précisément dans la 1° compagnie, composée d'anciens du 3° BCP. Les BCP étaient en général composés d'hommes très vifs et excellents tireurs. Ils agissaient rapidement en tirailleurs à l'avant de l'infanterie, c'est-à-dire en profitant des accidents du terrain pour se poster et viser.

Voici l'historique des campagnes du 121° BCP et nous détaillerons plus précisément les faits de la 1° compagnie où était René JOLY :
1915

Plan du secteur du LingePlan du LingePlan du Linge
Plans du secteur du Linge

René JOLY fut très rapidement blessé par balle au pied au Linge (ou Lingekopf) le 27.07.1915 dans la montagne des Vosges où un affrontement particulièrement meurtrier eut lieu entre juillet et octobre 1915 qui fit 17.000 morts.

Photo générale du Linge
Aperçu des zones de combat dans la région du Linge

Voici le détail du Journal du 121° BCP pour cette journée durant laquelle René JOLY, de la 1° Compagnie, fut blessé.

27 juillet 1915
A six heures le Colonel commandant la 3° Brigade donne l'ordre suivant : "le Chef de bataillon avec quatre compagnies devra se porter de la Crête du Lingekopf sur le Collet du Linge où il attendra des ordres pour attaquer le sommet du Schratzmännele. Deux compagnies du Bataillon resteront en réserve à la disposition du Colonel commandant la Brigade". En exécution de l'ordre le Chef de bataillon désigne comme troupe d'attaque les 1°, 2°, 3° et 5° Compagnies ; la 4° Compagnie restant en réserve au poste de commandement du centre de la Crête du Linge et la 6° Compagnie au Collet.
8 heures - Le Bataillon a commencé l'exécution de l'ordre. La 1° Compagnie est établie en ligne de section face au sud à l'ouest de l'arrête Lingekopf-Collet, sur la pente ouest du Lingekopf ; la 3° Compagnie dans la même formation à 100 mètres en arrière ; les 2° et 3° Compagnies prêtes à défendre cette formation.
8 heures 50' - Ordre du Colonel commandant la brigade, l'attaque est différée. Les 2°, 5° et 4° compagnies restant sur leurs emplacements. Les 2°, 5° et 4° compagnies sont réservées pour renforcer les compagnies du 30° et 14° Bataillons éprouvées par le bombardement.
11 heures 50' - Ordre du Colonel Messiny : "Avec les compagnies que vous avez sous la main, attaquez le Schratzmännele, le 120° Bataillon est au sommet. L'artillerie va préparer votre attaque sur la crête du Schratzmännele jusqu'à 12h45'. Dès que le tir cessera vous commencerez votre attaque."
12 heures - Les 1° et 3° compagnies après avoir subi des pertes importantes occupent le boyau du Collet du Linge.
12 heures 30' - Les deux compagnies 1° et 3° sont renforcées par un peloton de la 2° compagnie avec le capitaine Moscovino ; à ce moment le bataillon a au Collet du Linge les 1°, 3°, 6° et un peloton de la 2° compagnie, en tout 6 officiers 366 hommes. Le commandant établi son poste de commandement au blockhaus du Collet. L'ordre a été donné par le colonel Messiny de retarder l'attaque.
14 heures - Ordre du Colonel Messiny : "le 120° bataillon attaque sur le Schratzmännele et la route du Hohneck avec les compagnies que vous avez sous la main et attaquez vous-même dans ces deux directions".
14 heures 15' - "Si vous n'avez pas de mitrailleuses devant vous, attaquez à 14h30' dans les deux directions indiquées, je vous ferai soutenir".
14 heures 30' - Le bataillon déclenche son attaque sur le sommet du Schratzmännele. L'attaque a lieu par vague de peloton. Le mouvement commence par la 1° compagnie. Cette compagnie a pour direction la ligne de plus grande pente, qui va du Collet au sommet du Schratzmännele. La 2° compagnie doit suivre le mouvement, prendre la même direction en flanquant à gauche cette attaque. La 6° compagnie, même formation, doit flanquer à droite. La 3° compagnie pousse l'attaque sur la direction principale, le sommet du Schratzmännele.
Les 1° et 2° compagnies peuvent exécuter la marche en avant ; elles sont arrêtées par un feu violent de mitrailleuses et mousquèterie, avec tir de barrage de l'artillerie lourde (130) tirant en tir fusant. Ces deux compagnies subissent en quelques minutes des pertes considérables : les capitaines Jury et Moscovino commandant ces deux unités sont tués, le sous-lieutenant Perrolaz mortellement blessé.
La 6° compagnie qui doit suivre le mouvement est arrêtée au débouché du boyau. Le commandant fait sonner la "Charge" par ses clairons pour essayer de désembouteiller. L'intensité du feu ennemi continue. Vers 14h45' il est matériellement impossible d'avancer. Avec des éléments du 14° bataillon et du 359° d'Infanterie, dans le boyau étroit du Collet, encombré de morts et de blessés, la contre-attaque ennemie est arrêtée par un feu à répétition.
15 heures 15' - Une cinquantaine de chasseurs allemands, conduits par un officier du 14° bataillon de chasseurs allemands, arrivent à prendre pied dans la parallèle de départ ; ils sont vigoureusement contre-attaqués par des fractions du bataillon commandées par le lieutenant Marteau et des fractions du 14° bataillon de chasseurs commandées par le lieutenant Monnier. La parallèle de départ est reprise. Ces allemands sont faits prisonniers.
De 15h30 à 17 heures plusieurs contre-attaques allemandes par le feu et le mouvement sont repoussées.

Nuit du 27 au 28 juillet 1915
Les éléments du bataillon existant encore passent la nuit du 27 au 28 dans le boyau du Collet du Linge, sous le commandement du capitaine d'Aguin.
Dans la journée du 27, le bataillon a eu 8 officiers hors de combat :
- Tués : capitaine Moscovino, capitaine Jury, sous-lieutenant Perrolaz.
- Blessés : capitaine Privitera, capitaine Gircourt, lieutenant Cabarat, sous-lieutenant Blanchetête, sous-lieutenant Richardeau.
36 sous-officiers et 670 chasseurs ont été tués ou blessés.

Mémorial du Linge
Champ de bataille du linge de nos jours

Cette blessure lui valut une petite convalescence à Tournemire en Aveyron ainsi qu'au dépôt de Physiothérapie de Montpelier (1916), ce qui lui épargna peut-être la vie en lui évitant certains combats encore très meurtriers :

Convalescence René JOLY
Carte adressée à René JOLY en octobre 1916 durant sa convalescence

Le conseil de réforme de Montpellier le maintint au service armé le 29.12.1916 avec proposition de changement d'arme, étant devenu inapte à la marche suite à sa blessure au pied gauche : "raideur articulaire de la tibio-tarsienne gauche". Il rentre au dépôt le 05.01.1917, passe au 62° Régiment d'Artillerie DCA (Défense Contre Aéronef) le 22.01.1917, arrivé au corps le 23.01.1917 en tant que canonnier, affecté au 2° secteur de l'AAA 3° armée le même jour.

Il passe ensuite à la 1° batterie d'AC de 75 le 01.07.1919 et mis en congé de démobilisation le 26.08.1919 ar le 8° RAP avec certificat de bonne conduite.

La famille conserve toujours ses médailles qui sont dans l'ordre de la photo ci-dessous :

Médailles René JOLY
Décorations de René JOLY avec diplôme rappelant une blessure et une citation dont le texte serait à retrouver

René JOLY était membre des anciens combattants de la commune d'Uriménil et porte-drapeau.

Porte-drapeau d'Uriménil
Les anciens combattants d'Uriménil, avec René JOLY portant le drapeau

René JOLY fut de nouveau mobilisé en 1939 et fit la campagne du 02.09.1939 au 29.02.1940.



Mon troisième arrière-grand-père, Joseph LOUIS, fut recensé en 1898 ou 1899 au canton de Xertigny (dossier 1R1490), matricule au recrutement 957.

Il fut appelé le 15.11.1899 pour faire son service militaire au 8° Régiment d'Artillerie de campagne stationné à Nancy, matricule au corps 1639, en tant que 2° canonnier conducteur. Il devint Brigadier le 22.11.1900. Libéré le 20.09.1902, avec certificat de bonne conduite, pour passer dans la réserve dès le 01.11.1902.

Service Militaire Joseph LOUIS
Joseph LOUIS, en uniforme du 8° régiment d'artillerie, durant son service militaire

Il fit deux périodes d'exercice dans la réserve au 5° Régiment d'Artillerie à Remiremont :

Il passa dans l'armée territoriale le 01.10.1902.

Et fut également mobilisé (décret du 01.08.1914), est arrivé au corps le 02.08.1914 et fit toute la première guerre mondiale successivement aux 7° Escadron du Train (7° E.T.E.M. - Escadron du Train des Equipages Militaires) de la région de Dôle (7° Corps d'Armée), 19° Escadron du Train de la région de Paris (Gouvernement militaire de Paris) et enfin 21° Escadron du Train de la région d'Epinal.
Les escadrons du train des équipages étaient généralement affectés à un corps d'armée portant le même numéro et avaient pour rôle le transport de troupes, matériel et ravitaillement principalement par voitures à chevaux puis de plus en plus automobiles.
Il serait très difficile de suivre précisément Joseph LOUIS vu le nombre de ses affectations différentes, sans précision de dates, pour une activité de transport qui pas essence même nécessitait des déplacements constants. Cette affectation dans des unités en général à l'arrière du front explique qu'il survécut à la Grande Guerre sans même être blessé et sans qu'aucun fait marquant ne nous soit parvenu.

Mobilisation Joseph LOUIS
Joseph LOUIS durant la guerre (3ème sur la photo)

Il fut démobilisé le 24.01.1919 et affecté dans la réserve du 21° Escadron du Train le 15.12.1921 puis du 20° Escadron du Train le 01.10.1924.

Enfin il fut classé sans affectation le 15.11.1926 après être passé dans la "Classe de mobilisation la plus ancienne de la réserve" le 06.11.1923 comme père de quatre enfants selon la loi du 01.04.1923.



Enfin, le quatrième arrière-grand-père Henri SAUNIER fit également la première guerre mondiale. Malheureusement ses états de service ne furent pas mis à jour par l'administration (dossier 1R1558). N'y figure que le recensement de 1905, inscrit n° 115 sur la liste du canton d'Epinal. Nous n'y avons que sa taille : 1 m 68 cm.

La seule information qui nous est parvenue est que pendant les combats une balle fut arrêtée par son portefeuille qu'il conserva après la guerre.

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