La
première guerre mondiale
La première guerre mondiale a laissé sa trace sur ma généalogie.
Mes 4 arrières-grand-pères y ont participé avec des conséquences plus
ou
moins tragiques.
Tout d'abord mon arrière-grand-père
Louis DUVAL
fit son service militaire comme tous les hommes de son âge. Il
faisait partie de la classe de 1901, dont voici le dossier de
recensement :
Mentions
concernant le degré d'instruction des soldats :
Degré 0 : ne sait ni lire ni écrire
Degré 1 : sait lire seulement
Degré 2 : sait lire et écrire
Degré 3 : possède une instruction
primaire plus développée
Degré 4 : a obtenu le brevet de
l'enseignement primaire
Degré 5 : bachelier, licencié, etc.
(avec indication de diplôme)
Degré X : dont on n'a pas pu vérifier
l'instruction
Ses états de service,
retrouvés aux archives départementales des Vosges, ne furent
malheureusement pas mis à
jour après le recensement, ce qui ne permet pas de suivre ses
affectations et ses
campagnes. La famille a conservé deux photos de lui en uniforme
d'apparat, en raison des épaulettes portées traditionnellement
sur cet
uniforme, qui nous permettent d'identifier deux affectations par le
numéro du régiment inscrit sur le col :
- 37° Régiment d'Infanterie de ligne, stationné à Nancy.
- 152° Régiment d'Infanterie de ligne, stationné à Colmar.
Malheureusement, comme beaucoup, il fut mobilisé lorsque la guerre fut
déclarée, malgré deux enfants en bas âge. En 1915
il était soldat
au
170° régiment d'infanterie de
ligne, stationné à Epinal,
surnommé le "Régiment des hirondelles de la mort" et dont la devise
était "terrain conquis, terrain gardé", ce qui nous permet de le suivre
à priori si nous considérons qu'il fit toute la guerre dans ce régiment
:
1914
- Opérations d'Alsace : Mulhouse (13 août).
- Premier
engagement le 24 septembre à Merviller (Meurthe et Moselle). Le
régiment perd le premier de ses tués de la Grande guerre qui était du
même village que notre ancêtre.
Sur
la route de Merviller à Montigny (Meurthe-et-Moselle, au
Nord-est
de Baccarat)
un monument du 170e R.I. rappelle cet événement. Il fut inauguré le
03.09.1938 en présence du colonel du 170°e R.I., d'une compagnie et de
la musique du régiment.
Sous l'insigne des
hirondelles
de la mort du 170° R.I. : "A la mémoire du premier des 2880
tués du 170e
R.I., Louis PELLETIER, né à Uriménil (Vosges) le 27 décembre 1892,
tombé en ce lieu comme éclaireur de l'avant-garde, 8e Cie - Cap. Le
Folcalvez, le 24 septembre 1914, baptême du feu du régiment."
Le centenaire du premier tué du 170° RI a fait l'objet de recherches de
la part des écoliers d'Uriménil en 2014
- Repos en Meuse : Couzances-au-Bois -
Ménil-aux-Bois (16 octobre au 4 novembre)
1915
- Champagne : Côte 196 (début mars), Le
Mesnil-les-Hurlus - Bois Jaune Brûlé (13 mars)
- Meuse : Les Eparges (fin avril-début mai)
Les
Eparges furent le théâtre d’une des luttes les
plus meurtrières de la Première Guerre mondiale. Les Allemands
s’acharnèrent pour la possession de la crête, et les attaques et les
contre-attaques, les combats corps à corps et à la grenade, sous un
bombardement d’obus de tous calibres et sous l’écrasement des torpilles
se renouvelèrent pendant une période de 5 mois dans les conditions les
plus pénibles. Lors de ces assauts, les hommes furent tués, engloutis
dans la boue, déchiquetés par les mines dont les immenses cratères
ponctuent la montée vers le sommet de la crête. Le 170e R.I. arrive sur
les lieux sur la fin de cette bataille. Le 30 Avril 1915, il se trouve
aux
Eparges (Tranchée de Calonne) où le 5 Mai, il repousse une forte
attaque ennemie lancée après un furieux bombardement.
Louis DUVAL fut porté disparu ce jour du 5 mai 1915
aux Eparges,
durant la bataille de la tranchée de Calonne, probablement victime de
ce "furieux bombardement" ou de l'attaque ennemie qui suivit.
Pour se rendre compte de
la fin que Louis DUVAL vécut, il faudrait lire les souvenirs de
Maurice Genevoix
qui a également combattu sur la crête des Eparges, sur cette même
tranchée de Calonne, et qui a écrit ses
souvenirs dans 4 livres :
Sous Verdun,
Nuit
de guerre,
La Boue,
Les Éparges.
Ils ont été condensés en un seul livre : « Ceux de
14 ».
Maurice Genevoix
Le
lieutenant Maurice Genevoix fut blessé de trois balles
le 24 avril 1915 près du Carrefour de Calonne, quelques
jours avant la disparition de Louis DUVAL à ce même endroit. Il fut
ensuite évacué et réformé. Un film reprend l'histoire de
Maurice
Genevoix :
cliquer
pour voir la vidéo
Un autre écrivain célèbre perdit la vie au début des combats près des
Eparges
le 22 septembre 1914. Il s'agit d'
Alain Fournier,
l'auteur du Grand Meaulnes, dont le corps fut finalement retrouvé en
1991 à quelques centaines de mètres de cette même Tranchée de Calonne.
Alain Fournier
Un film reprend l'histoire d'Alain Fournier et donne des
images
des fouilles de 1991 :
cliquer
pour voir la vidéo (partie 1) et
cliquer
pour voir la vidéo (partie 2)
Mémorial
en mémoire d'Alain Fournier et de ses compagnons, sur le lieu de leur
découverte, dans la forêt près de la tranchée de Calonne.
Le
170° Régiment
d'Infanterie aux Eparges (avril-mai 1915 - source
http://170-ri.over-blog.com/article-le-cent-septante-dans-la-grande-guerre-v-106625249.html)
:
Le régiment (170 RI) quitte Mesnil-lès-Hurlus dans la nuit du 23 au 24
mars ; il cantonne le 24 à Somme-Tourbe, le 25 et le 26 à Poix et
arrive le 27 à Saint-Amand-sur-Fion. Les marches vers l'arrière, après
les combats aussi rudes, sont "horriblement pénibles", suivant
l'expression de M. le médecin chef Fournereaux, dans le journal de
marche de l'infirmerie régimentaire. "Les hommes ajoute-t-il, peuvent à
peine se traîner et les éclopés encombrent les routes".
Du 27 mars au 4 avril, le régiment cantonne à
Saint-Amand.
Le
4 avril (jour de Pâques) l'ordre arrive de changer le cantonnement. Le
soir, on était au village de Saint-Julien, en la commune de Courtisols.
Le
170
e prendra jusqu'au 27 avril un repos bien
mérité.
Dans la soirée du 27 avril, il embarque en camions automobiles. Pendant
toute la nuit il va rouler. Il gagne par Souilly la région de Verdun.
Le 28, il cantonne dans un des faubourgs de la ville à Jardin-Fontaine.
Le 29, il se met en route vers la tranchée de Calonne et couche au
château de Bernafant. Le 30 au soir, enfin; il monte en ligne, dans les
bois de Hauts de Meuse, à l'est de la tranchée de Calonne, à l'ouest du
village des Eparges.
La région est accidentée ; des bois, des prairies recouvrent des pentes
abruptes ou des vallonnements en pente assez douce. Ces bois
naturellement touffus deviennent, sous l'action de l'artillerie, un
enchevêtrement inextricable de branchages et de troncs d'arbres brisés.
forêt, décapités par les 210, formaient de véritables barricades,
rendant les liaisons très difficiles. Il n'y avait pour tout abri que
d'anciennes sapes d'artillerie à demi effondrées et pour ainsi dire pas
de tranchées tellement la canonnade rendait le terrain chaotique.
Le régiment ne restera là que six jours. Les quatre premiers sont à peu
près tranquilles, malgré la fréquence des bombardements. Le régiment
organise le secteur et creuse autant qu'il peut une première ligne.
Avant lui existait seulement une sorte de chemin creux à demi nivelé
constituant le deuxième ligne.
Mais le 5 mai, le bombardement va devenir formidable. De 4h15 à 10
heures du matin, il augmente sans cesse d'intensité, commençant par
prendre notre deuxième ligne pour principal objectif, puis s'étendant
aussi à notre première ligne ; il nous cause des pertes sensibles,
bouleverse les parapets, désorganise nos positions, ensevelit sous les
éboulements un certain nombre d'hommes. Les mortiers de 210 se montrent
particulièrement redoutables. Un nombre considérable de minenwerfer de
gros calibre aide puissamment l'artillerie ennemie.
A 10 heures précises, les Allemands sortent de leurs tranchées. Ils
attaquent en lignes denses le 2
e bataillon. La 7
e
compagnie résiste vaillamment et conserve ses positions.
Malheureusement les 5
e et 8
e
très éprouvées par le bombardement, fléchissent malgré leur résistance
acharnée sous la pression de forces trop supérieures en nombre. Le
Boche réussit à prendre pied dans notre première ligne. Les 3
e
et 4
e compagnies, placées en réserve, volent
aussitôt à leur secours, ainsi que les tirailleurs marocains. L'avance
de l'ennemi est enrayée. A 13h15, le lieutenant-colonel Naulin,
commandant le 170 R.I. , se porte de sa personne au P.C. du 2
e
bataillon pour diriger la contre-attaque destinée à reprendre les
tranchées perdues. Après avoir inspecté la position rendue très
défectueuse à cause des véritables abatis d'arbres faits par le
bombardement de la matinée, il donne l'ordre de contre-attaquer à
14h30.
La contre-attaque partira à la sonnerie de la charge exécutée par les
clairons du 2
e bataillon, et devra coûte que
coûte déloger à la baïonnette l'ennemi de la position qu'il occupe.
L'exécution
fut aussi heureuse que l'ordre avait été énergique. Au signal, le 170
e
à droite, tirailleurs marocains à gauche, s'élancèrent sous bois avec
une telle furie que du premier coup, malgré les pertes sensibles, notre
première ligne est reprise ; nous y faisons prisonniers 1 officier et
une dizaine d'hommes. Les autres ont été tués sur place ou se sont
enfuis.
Dès
15 heures, la tranchée que nous avions momentanément perdue était
définitivement reconquise. Jusqu'à 19 heures, l'ennemi tenta de
violents retours offensifs. Il avait la supériorité du nombre. Il
semble qu'il ait voulu à tout prix s'assurer la possession durable de
la position qu'il avait à peine possédée quelques heures. Mais ces
efforts restèrent inefficaces. Toutes les fois qu'il revint à l'assaut
notre fusillade et nos mitrailleuses jonchèrent de cadavres le terrain
qu'il ne put jamais ressaisir que par ses morts.
Nous
ne pouvons mieux faire, pour donner une idée complète de ce magnifique
combat, que de citer la conclusion du rapport du lieutenant-colonel
Naulin à M. le général commandant la 95
e brigade
: "Après avoir été soumis six heures durant au bombardement violent
d'une artillerie de gros calibre, le 170
e R.I. a
ensuite pu tenir tête, avec l'appui du régiment marocain, à une attaque
puissamment organisée, qui a duré sans répit de 10 heures à 19 heures.
Seules la valeur individuelle des hommes et l'énergie des gradés
combattants dans des tranchées à peine organisées, ont permis au
régiment de repousser cette attaque. "L'effort donné par tous à cette
occasion a été considérable".
Les pertes supportées par le régiment furent très lourdes : 18
officiers (dont 6 tués, 8 blessés, 4 disparus) et 747 hommes (dont 145
tués, 319 blessés, 283 disparus).
Mais
l'ennemi subit un tel échec et qui lui fut si onéreux qu'il ne réagit
plus ; la journée du lendemain fut particulièrement calme. C'était le 6
mai.
Dans la nuit du 6 au 7 mai, le régiment quitte les tranchées et descend
à Thierville, où il se reposera jusqu'au 14 mai. Le 14, il monte à
Verdun, et s'embarque pour le Nord dans la gare même de la ville.
Récemment, le
Service Historique de la Défense a mis en
ligne le journal du 170° RI
et je reprends ici les paragraphes qui nous intéressent détaillant
l'arrivée et l'installation du régiment aux Eparges, ainsi que la
bataille fatale à notre ancêtre :
(source : JMO du 170° RI - Service Historique de la Défense Nationale)
30
avril 1915
Reçu
ordre de la Brigade prescrivant au Régiment de se rendre sur le front
pour tenir une ligne située à l'Est de la tranchée de Calonne
s'étendant sur 1200 m environ.
Ordre de Mouvement, ferme de Murauvaux/30/4/1915.
I. Ce soir, le Régiment ira occuper le front défensif situé à l'Est de
la Tranchée de Calonne.
II.
Le 3° Bataillon, appuyant sa droite à la tranchée de Calonne relèvera
le 126° d'Infanterie. Le 2° Bataillon tiendra la gauche de la ligne et
relèvera le 203°. Toutes les indications seront recueillies sur place
par le Commandant du Bataillon de Cavalerie relativement aux détails du
service.
III. Les officiers supérieurs et Commandants d'Unités
partant à 19 heures de Murauvaux se porteront sur le front pour en
faire la reconnaissance. Dans chaque Compagnie, un sous-officier
accompagnera le Capitaine pour aller au devant de la troupe qui suivra
l'itinéraire : Tranchée de Calonne, Carrefour des trois jurés,
carrefour central où la tête du Régiment s'arrêtera.
IV. Ordre de marche 2° Bataillon, 3° Bataillon, 1er Bataillon.
On laissera de très grands intervalles entre les Compagnies de manière
à éviter les accidents dus à l'Artillerie ennemie.
Passage de la tête du Régiment à l'embranchement de Murauvaux 7h30.
Le
train de combat s'établira vers cet embranchement. Le train
régimentaire restera à Belrupt. Les voitures d'outils transporteront ce
matériel à 400 m au nord du carrefour central.
Exécution
La relève est achevée à 24 heures. Le Régiment occupe le terrain dans
les conditions suivantes :
A droite : 3° Bataillon (1ère ligne)
A gauche : 2° Bataillon (1ère ligne)
Dans chacun de ces Bataillons, une Compagnie est établie en renfort ç
une distance de 150 m environ en arrière de la 1ère.
Le
1er Bataillon occupe la 2° ligne avec 2 Compagnies. Les 2 Compagnies
disponibles sont en réserve à 400 m au Nord de la route Carrefour
Central Les Eparges.
Poste de commandement du Colonel près du Chemin carrefour central Les
Eparges à 100 m environ du Carrefour.
Plan de déploiement du
170° RI aux Eparges le 30 avril 1915, au sud-est du carrefour entre la
Tranchée de Calonne et la route des Eparges à Mouilly
Le Nord y est représenté en bas.
(source : JMO du 170° RI - Service Historique de la
Défense Nationale)
Plan
plus précis des tranchées du secteur occupées par le 87° RI
d'avril à juin 1915 (tranchées françaises en rouge et
allemandes
en bleu).
(source : JMO du 87° RI - Service Historique de la Défense
Nationale)
La
Tranchée de Calonne n'était pas une tranchée militaire mais un chemin
forestier rectiligne tracé par Charles Alexandre de Calonne, ministre
de Louis XVI, reliant Hattonchâtel à Verdun.
Plan
général de la ligne de front dans la région des Eparges, situation de
fin avril 1915 à juin 1915, avec localisation du 170° RI.
L'éperon
des Eparges état le point le plus stratégique du champ de bataille et
fut l'objet de conquêtes successives françaises et allemandes.
(source :
http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)
Localisation
moderne des combats: nous voyons clairement l'intersection de
la
tranchée de la Calonne et de la route des Eparges à Mouilly, que
Maurice Genevoix dans son oeuvre nomme 'Le Carrefour
de Calonne'.
Localisation
du 'carrefour de Calonne', entre la tranchée de Calonne et
l'ancienne route des Eparges à Mouilly, juste après la guerre
(1919) et de nos jours (2013).
Louis DUVAL a disparu le 05 mai 1915 sur ce terrain à l'arrière de la
pancarte en bois.
Sa localisation de nos jours est très facile puisque situé juste
après la borne du kilomètre 9 de la départementale D331.
Localisation
de la prise de vue du carrefour, ancienne (1919) et moderne (2013),
ci-dessus.
Le
même jour que Louis DUVAL, le 5 mai 1915, est mort à la tranchée de
Calonne le
sous-lieutenant Robert GUILLIE, du 46° régiment d'artillerie, en
souvenir duquel a été érigée une
stèle le long de la tranchée de Calonne.
Sont également morts ce même jour deux GAUDEL du 170° RI auxquels une page
Internet est dédiée.
Dispositif des unités dans les Compagnies :
Bataillon de droite (front) : 11, 10, 9° Compagnies.
Bataillon de gauche (front) : 8, 5, 7° Compagnies.
Eléments de renforts à droite : 12° Compagnie.
Eléments de renfort à gauche : 6° Compagnie.
Bataillon de réserve : sur la tranchée de 2° ligne : 1° et 2°.
En réserve : 3° et 4° (troupes disponibles).
La Compagnie de mitrailleuse est répartie sur le front.
1er
mai 1915
Etat des travaux dans le secteur :
Tranchée de 1ère ligne : ébauchée.
Tranchée de 2° ligne : (... au sud du Carrefour central) très avancée.
Boyaux de communication : n'existent pas.
Défenses accessoires : n'existent pas sur le front, réseau complet sur
la 2° ligne.
2
mai 1915
Travaux exécutés pendant la journée :
Approfondissement et aménagement de la tranchée dont les éléments sont
réunis.
Les compagnies de renfort établissent une ligne de tranchée (voir
croquis) à 100 m environ de la 1ère.
Des ciseaux bruns sont placés pendant la nuit devant la 1ère ligne.
Bombardement intermittent, plus particulièrement sur la 2° ligne,
l'Infanterie allemande tire peu.
3
mai 1915
Travaux exécutés :
Continuation de l'organisation de la position.
Tranchées de 1ère ligne : ont atteint la profondeur voulue ; les
travaux d'aménagement sont entrepris.
Tranchées
de soutien : la construction de ces tranchées par les compagnies de
renfort est poussée très activement 6° et 12° Compagnies.
Tranchées de 2°ligne : achevées comme tranchées, les abris sont
commencés.
Boyaux
de communication : en construction, permettent dans la partie centrale
de gagner à l'abri la 8° Compagnie, ébauchés dans le sous-secteur du 3°
Bataillon.
Bombardement léger. Aucune action d'Infanterie.
3
mai 1915
Les
travaux se poursuivent. Le boyau de communication entre la route des
Eparges et les tranchées de soutien du 2° Bataillon sont commencés.
L'Artillerie allemande tire fréquemment ; les abris de 2° ligne
subissent des dégâts.
L'Infanterie ennemie demeure calme et continue ses travaux
d'organisation défensive.
4
mai 1915
Tous les travaux sont en cours, et n'exigent plus qu'un
perfectionnement.
Le bombardement est intermittent mais plus violent et plus fréquent
qu'au cours des journées précédentes.
5
mai 1915
4 h
Bombardement
extrêmement violent sur toute l'étendue du secteur. Sur le front les
allemands lancent des bombes nombreuses et puissantes qui détruisent
les parapets dans la partie centrale de la ligne. Le Capitaine
commandant le 2° Bataillon (Capitaine Cocagne) est tué dans son abri.
10 h
Le bombardement qui a duré 6 heures cesse brusquement. Quelques pièces
seulement tirent sur la 2° ligne.
10 h 05
L'Infanterie
allemande prononce une violente attaque sur tout le front (ligne de
tirailleurs suivies de petites colonnes qui renforcent la chaîne aux
arrêts.
Cette attaque est principalement dirigée :
1° à droite de
la ligne sur le centre de la 11° Compagnie et la droite de la 10°. La
ligne allemande atteint le réseau de fil de fer qu'elle ne peut
franchir ; les pertes subies sont élevées.
2° à gauche l'ennemi
exécute plusieurs attaques qui toutes échouent ; les éléments allemands
se replient définitivement sur leurs tranchées.
3° au centre, où les
ciseaux de fil de fer ont été brisés par les mineurverfers et, grâce
aux effectifs élevés mis en ligne, l'attaque atteint la ligne à gauche
de la 9° et la droite de la 8° Compagnie. L'ennemi jette aussitôt des
patrouilles dans le bois, patrouilles qui atteignent la route des
Eparges.
A l'Ouest de la trouée produite, la 9° Compagnie se forme
en crochet défensif et résiste énergiquement à la pression de l'ennemi.
A
l'Est de la trouée, les 8° et 5° Compagnies qui continuent la défense
face en avant, dans la tranchée, sont bientôt débordées par
l'adversaire qui s'empare de plusieurs fractions.
La tranchée de 1° ligne est évacuée sur un front de 200 m environ.
La 7° Compagnie fait un barrage sur sa droite et continue la résistance
face en avant.
10 h 15
Dès
l'instant où l'ennemi commence sa progression dans le bois, le
Capitaine commandant le 2° Bataillon qui dispose de la 6° Compagnie
(renfort) porte un peloton en avant pour l'arrêter et établit un
peloton dans les retranchements qui bordent au Nord la route des
Eparges afin de s'opposer à l'infiltration de petits groupes allemands
(ces tranchées sont occupées par des éléments du 311°).
10 h 30
Le Lieutenant-Colonel reçoit par communication verbale connaissance de
la situation.
Ordre donné :
Les
1° et 2° Compagnies mettront immédiatement 1 Section à la disposition
du 3° Bataillon pour renforcer la gauche de sa ligne avec
l'autorisation du Commandant du Secteur de disposer des unités de
réserve (3 et 4).
Ces 2 Compagnies reçoivent l'ordre de se porter
vers le 2° Bataillon, dans le but de refouler l'ennemi et l'obliger
d'évacuer la tranchée et le boyau dont il vient de s'emparer.
11 h 15
Le
Capitaine commandant le 2° Bataillon fait appuyer le peloton qui fait
face aux Allemands par le second peloton de la 6° Compagnie.
11 h 30
Les
Compagnies du 1er Bataillon (3° et 4°) rejoignent la 6° Compagnie et
provoquent avec celle-ci une vigoureuse attaque qui est enrayée par une
section de mitrailleuse établie dans le boyau par les Allemands.
12 h 45
Un
Bataillon de tirailleurs marocains demandé par le Lieutenant-Colonel du
170° atteint la route des Eparges (100 m à l'Est du carrefour).
3 Compagnies sont portées à l'appui des unités du 2° Bataillon.
1 Compagnie est envoyée en renfort du 3° Bataillon en vue de soutenir
sa gauche.
14 h
Le
Lieutenant-Colonel organise une contre-attaque comprenant 2 groupes :
l'un à gauche composé de 3 Compagnies marocaines aux ordres du
Capitaine de Villars, l'autre à droite comprenant 3 Compagnies du 170°
aux ordres du Capitaine Gresser commandant le 2° Bataillon.
14 h 30
La contre-attaque se met en mouvement au signal de la charge donnée par
les clairons du 2° Bataillon.
Les 2 colonnes sont établies de part et d'autre du boyau dont l'ennemi
est en possession sur une longueur de 80 m environ.
Les
Allemands résistent mollement, puis évacuent le boyau, et se retirent
sans s'arrêter sur la tranchée de première ligne qui est enfin
réoccupée.
Le mouvement des éléments de contre-attaque s'est trouvé
facilité par l'entrée en action à la gauche du groupe comprenant 3
Compagnies marocaines des 2 unités de tirailleurs marocains mises à la
disposition du 25° Bataillon de Chasseurs à pied.
Pendant la nuit du 5 au 6 mai, les éléments, quelque peu mélangés, se
réorganisent.
Le
3° Bataillon du 170 est maintenu sur le front, le 2° Bataillon est
retiré en raison de ses pertes élevées et remplacé par le 1° Bataillon
de tirailleurs marocains.
Le 2° Bataillon est établi au repos à hauteur du carrefour des 3 jurés.
Le 1er Bataillon reste en position.
La nuit du 5 au 6 Mai est relativement calme. Fusillade courte et
intermittente sur le front. Peu de tir d'Artillerie.
6
Mai
Léger bombardement, journée calme.
A
21 heures, le régiment est relevé par le 91° Régiment d'Infanterie. Les
Bataillons se retirent isolément et se rendent aux abris dits de
Bernaton.
Ordre reçu concernant l'installation du 170° au cantonnement de
Thionville dans la journée du 7 mai.
En plus du déroulement de la bataille, le journal du régiment nous
apprend que Louis DUVAL, porté disparu le 5 mai 1915, faisait partie de
la compagnie des mitrailleurs :
Liste des disparus du
170° RI le 5 mai 1915
citant Del Charles Louis DUVAL, 2° classe dans la Compagnie des
mitrailleuses, répartie sur le front.
Hommes du 170°
RI, à
noter les mitrailleurs, affectation de Louis DUVAL avant sa mort.
Un autre témoignage de cette nous
est parvenu par la publication en 2013 du "Journal de Guerre" d'un
médecin du 170° RI, Paul BEDEL aux éditions Tallendier:
4 mai 1915. Poste de secours de la Tranchée de Calonne
Je
suis venu rejoindre le médecin-major à son poste de secours. Il est, lui
aussi, violemment bombardé. Ses minces gourbis en branchages légers ne
le protègent pas même contre les gros éclats. Le bombardement qui a duré
toute la nuit ne cesse pas une seule minute. Notre artillerie se tait.
Vers
16h je vois arriver sur la route le colonel Pollachi avec son officier
d’ordonnance, le bon et naïf Balizet. Ils s’arrêtent un instant pour
souffler. Je plaisante Balizet sur son air inquiet : « Balizet, vous
avez les foies… ! » (avoir les foies = avoir peur, expression de
troupier). Ils reprennent leur route. Ils vont à deux cents mètres de là
occuper l’abri du commandant du secteur. Soudain Baude arrive les yeux
fous, la parole essoufflée : « Venez vite… Ba..li..zet.. est blessé… ! »
Je cours avec quatre brancardiers. Balizet gît dans une mare de sang,
la hanche est en bouillie, le bras gauche arraché… Je le transporte. On
le panse. Pendant le pansement, il cesse de se plaindre, il cesse de
respirer, il meurt. Pauvre Balizet !
A la
nuit l’atmosphère devient agitée. On sent que « quelque chose » se
prépare. Les fusils sont nerveux. Pour un rien la mitrailleuse
tambourine.
Vers
minuit je me rends avec Lépagnole auprès d’un blessé. Nous le pansons.
La fusillade fait rage. En regagnant l’abri où nous couchons, je reçois
une balle derrière la tête. Elle frappe violemment l’os occipital, sans
le briser. Hémorragie. Nausées. Vertiges. Affolement de tout le monde.
Notre bon aumônier qui passait la nuit là en prend des coliques. Il est
certain que la balle au lieu de me raser le crâne eût aussi bien pu le
traverser. Mais elle n’a pas voulu. Merci, balle boche !…
Un
soldat allemand fait prisonnier il y a quelques jours a déclaré que son
régiment devait attaquer en face de nous le 5 au matin. Par suite de ce
renseignement nous sommes alertés. Nous montons nos sacs et nous
restons équipés toute la nuit. Le 3ème bataillon vient nous renforcer
dans nos emplacements. Il ne s’est rien passé d’anormal.
5 mai 1915. Poste de
secours de la Tranchée de Calonne
Vers 2h du matin le bombardement
prend soudain autour de nous une intensité inouïe. C’est un mélange de
105, de 150 et de 210, tombant par paquets, partout à la fois, avec un
bruit qui finit par rendre réellement sourd. Quand le petit jour paraît
la forêt est voilée de fumée. Ah ! la bonne odeur de poudre,
chantée par les poètes et par les feuilletons ! C’est en
réalité une affreuse odeur d’œufs pourris qui saisit à la gorge et
porte à la nausée.
Pendant ce temps étendu dans mon
gourbi j’ai, dès que je lève la tête, des vertiges tels qu’il me semble
que je suis dans un tonneau dévalant une pente rapide. C’est
insupportable. Tout seul, en proie au malaise, j’attends patiemment
l’obus qui va me réduire en morceaux. Je regarde mes mains. Je regrette
de me séparer d’elles. Voici trente ans qu’elles participent à toutes
mes joies comme à toutes mes peines. Je n’ai, heureusement, pas de
miroir. Le spectacle de mon visage m’attendrirait. J’attends la mort.
Je suis allongé, les mains croisées sur la poitrine, les yeux fixés sur
les petites étoiles scintillantes que fait le soleil par les trous de
ma toiture de branches. Les obus tombent, tombent. Le sifflement en jet
de vapeur qui précède pendant un centième de seconde leur chute, me
fait chaque fois rentrer la tête dans les épaules. Est-ce celui-ci qui
va m’éventrer ?… Non. Celui-là ?… Non. Il en arrive
ainsi des centaines qui font bientôt des milliers.
A 9h dans le vacarme des obus je
discerne le claquement des balles. Des faces hagardes apparaissent à la
porte de mon gourbi : « On est perdu !… Ca
recule !… Voilà les Boches !
Sauvez-vous !… » Alors je retrouve des forces pour
insulter ces malheureux. « Je me sauverai en vous poussant
vers l’ennemi à coups de bottes, tas de … » Et je rugis du
fond de mon antre. Mais en voulant me lever je perds l’équilibre et je
retombe sur ma couche. Cet incident m’a ôté toute ma belle résignation.
Je suis furieux. Je sens que ça plie. La fusillade allemande est d’une
extrême violence. La canonnade par contre diminue d’intensité. Il ne
passe plus guère que des fusants. Les Marocains appelés en renforts
arrivent sans difficulté par la tranchée de Calonne. Le 75 tambourine.
Les blessés arrivent, affolés, couverts de sang et de sueur :
« Le capitaine Cocagne est tué, écrasé sous son
abri !… Le capitaine Voilqué a reçu une balle dans la tête.
Son corps est là tout près du poste de secours… Le lieutenant
Roederer ? Je l’ai vu tomber. Le lieutenant Plaisant aussi. Le
lieutenant Boby est gravement blessé. Le lieutenant Magnonnaud a une
balle dans la poitrine… Le lieutenant Hartmann est tué… Tué l’aspirant
Comolet, tué le sergent Carrel, tué… » A entendre les blessés
tous les officiers, tous les sous-officiers seraient tués. La chose
n’est certaine que pour Cocagne et Voilqué.
Mais la situation s’améliore. La
8ème qui avait été violemment
attaquée de flanc s’est reprise et après avoir reculé reprend du
terrain. Roederer la commande avec Plaisant comme lieutenant. J’ai
confiance.
Le colonel Pollachi est venu se
placer dans un abri auprès de notre poste. Il nous dit que cela va
bien. A 2h nous avons repris notre tranchée et nous poussons en avant.
Des Marocains blessés arrivent en grand nombre. Nous connaissons de
nouveau l’encombrement de Mesnil-les-Hurlus. Les obus recommencent à
pleuvoir autour de nous. J’ai pu me lever, aider aux pansements.
A 4h accalmie. Tout va bien.
L’attaque est complètement repoussée. Je puis m’en aller l’esprit
tranquille.
Par la Tranchée de Calonne je
gagne l’ambulance 3-2, dont les tentes sont installées à cinq
kilomètres de là. En cours de route je rencontre le Dr Jeannel, de la
société entomologique. Il a un poste de secours du 25ème chasseurs auprès de la
« maison du cantonnier ». Je me repose un peu auprès
de lui et je reprends ma route. Sur cette route on ne voit que des
blessés avançant péniblement, se servant de leur fusil comme d’une
béquille. J’aperçois le général Capdepont, donnant des ordres, une
carte à la main, auprès d’une grosse pièce de 155 court qui rugit à
fendre l’oreille.
A l’ambulance on m’emmaillote la
tête dans un nouveau pansement. On me hisse dans une auto avec
plusieurs autres blessés. Et nous filons à toute allure sur Verdun.
Nous sommes à 7h à la gare,
hôpital d’évacuation. Une fiche : je suis dirigé en voiture
sur l’hôpital I, hôpital St Nicolas. J’y arrive à 9h.
A peine dans la chambre qui
m’est affectée, je suis saisi par un diligent infirmier, déshabillé,
débotté ; mes jambes sont plongées dans un bain de pieds,
savonnées, lavées, essuyées, séchées… On me place dans un lit… On
m’apporte un pot de tisane. On baisse le gaz. La sœur s’éloigne sur la
pointe des pieds. Et voilà.
Je
recommande de lire intégralement "Journal de guerre" de Maurice BEDEL,
publié en 2013 aux éditions Tallandier. Ce médecin militaire
du 170° RI, prix Goncourt 1927, fut blessé à la
Tranchée de Calonne le 4 mai 1915 et évacué le 5 mai
1915. Il sera plus tard affecté aux hautes Vosges, ce qui nous donne un
témoignage nous intéressant également pour l'évocation des batailles du
secteur et évoquées plus bas avec la guerre de René JOLY mon autre
arrière-grand-père.
Comment expliquer tant de disparus ? il suffit de lire le témoignage
d'un soldat sur les lieux à cette époque.
(source :
http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)
Journal du 126° Régiment
d'Infanterie qui occupa ce secteur quelques jours après
l'attaque que subit le 170° RI :
- 10
mai 1915 : Le secteur occupé par le régiment avait été le théâtre d'une
lutte violente au cours de laquelle l'ennemi avait réussi à enlever un
élément de tranchée. les cadavres très nombreux et parfois
inaccessibles sont restés sans sépulture.
- 14 mai 1915 : Inhumation
de nombreux cadavres et renvoi à l'arrière d'un matériel très
important ramassé dans les tranchées (fusils, équipements, étuis...
etc).
|
Autre témoignage d'un
soldat sur les lieux à cette époque.
(source :
http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)
Autre
témoignage d'un soldat qui participa à une attaque de l'éperon
des
Eparges quelques jours avant l'arrivée du 170° RI dans les environs.
(source :
http://72emeri.pagesperso-orange.fr/crbst_77.html)
De
part et d'autre de la tranchée de Calonne subsistent des
traces de
tranchées militaires (à gauche) et des entonnoirs creusés par les
bombardements (à
droite).
Obus et barbelés près de
la tranchée de Calonne, encore visibles en 2013.
Abris encore visible en 2013 sous un chemin forestier près du Carrefour
de la Calonne.
Sur
cette image, nous voyons les pierres du parapet d'une tranchée abîmé
par un engin
forestier.
Un film amateur qui débute sur le Carrefour de Calonne, près
duquel fut
retrouvé le canon exposé devant le mémorial de Verdun, et continuant
avec une visite des alentours permet de mieux comprendre le site des
Eparges :
cliquer pour voir la vidéo
La femme de Louis DUVAL fit rapidement faire des recherches par la
Croix-Rouge car il semble que les informations dont elle disposait
laissaient penser qu'il avait été blessé et fait prisonnier. Cependant
les deux fiches rédigées en son nom par la Croix-Rouge
révèlent une réponse négative à ses requêtes, ce qui signifie qu'il ne
figurait pas dans les listes de prisonniers.
Fiches
de Louis DUVAL à la Croix-Rouge
initiées par sa femme avec réponses
négatives (http://www.croix-rouge.fr/Actualite/Mise-en-ligne-des-archives-prisonniers-de-14-18-1785)
Le décès de Louis DUVAL ne fut officialisé de manière
expéditive qu'en 1920 par un jugement du tribunal
d'Epinal, comme beaucoup de dossiers de disparition de l'époque.
Et le décès fut enfin transcrit sur les registres de la Commune
d'Uriménil, cinq ans après son décès :
Une
plaque fut créée en vue de l'apposer sur sa tombe, mais comme son corps
ne fut jamais retrouvé, elle ne fut jamais utilisée. Il est à noter que
sa photo est prise avec son uniforme du 152° régiment d'infanterie,
probablement la seule disponible, et qu'elle a été inversée :
Cette plaque permet de connaître ses
décorations, décernées à
titre posthume :
- Médaille militaire
- Croix de guerre 1914-1918 (décernée automatiquement avec la
première)
Le centre des archives du personnel militaire de Pau nous a
confirmé l'attribution de ces décorations en 1921 avec la mention
"Soldat brave et dévoué. Glorieusement tombé pour la France, le 5 mai
1915, aux Eparges".
Son nom est désormais inscrit sur le monument aux morts d'Uriménil et
figure dans le fichier des Morts pour la France :
A quelques kilomètres de la Tranchée de Calonne, le
mémorial de
St Rémy la Calonne contient de nombreuses sépultures de soldats inconnus où repose
peut-être Louis DUVAL, ainsi que celle d'Alain FOURNIER :
Mémorial de
St Rémy la Calonne
Mon autre arrière-grand-père
René JOLY
fut plus chanceux. Comme le précédent, il fit son service militaire.
Nous le trouvons sur le recensement de 1915, ce qui lui épargna les
premiers mois de guerre :
Recensement de René JOLY
en 1915
Cependant ses états de service (dossier 1R1702) signalent
qu'il
fut déclaré apte au service armé par le conseil de révision de 1914,
soit une année avant le recensement.
René
JOLY fut affecté à 19 ans le 15.12.1914 au 3° BCP (Bataillon
de
Chasseurs à Pied) qu'il intégra le 19.12.1914 pour une période de
formation. Il fut ensuite affecté aux armées le 11.03.1915 au 121° BCP
à sa création, plus précisément dans la 1° compagnie, composée
d'anciens du 3° BCP. Les BCP étaient en général composés d'hommes très
vifs et
excellents tireurs. Ils agissaient rapidement en tirailleurs à l'avant
de l'infanterie, c'est-à-dire en profitant des accidents du terrain
pour se poster et viser.
Voici l'historique des campagnes du 121° BCP et nous détaillerons plus
précisément les faits de la 1° compagnie où était René JOLY :
1915
- Bataillon stationné à Langres.
- Départ pour la Marne pour s'équiper (4 avril).
- Retour à Mirecourt (15 avril).
- Départ pour La Chapelle (8 mai).
- Départ
pour Le Sauttel pour relever le 64° Bataillon de Chasseurs et prend
possession des tranchées (24 mai). La 1° Compagnie est affectée à
Sattel-bas, en 1° ligne, éperon Ampfersbach (ouest du Reichackerkopf).
- Quelques petites batailles et quelques blessés (jusque fin
mai).
- Premier tué par balle dans la nuit du 30 au 31 mai.
- Le 121 BCP est relevé par le 115° Bataillon et stationne à
Gerbépal, Corcieux, Gérardmer et Anould (31 mai au 29 juin).
- La
1° compagnie est détachée au Lac Noir (29 juin) puis rejoint Combekopf
(30 juin) avec mission d'exécuter des travaux d'approche pour une
parallèle de départ ultérieure face à une ligne allemande occupant
Barrenkopf, le Lingekopf et le Schratzmännele.
- Relève (15 juillet) et séjour au camp de Reischberg
(jusqu'au 20 juillet) puis repart au Lac Noir (21 et 22 juillet)
- Les 1°, 2° et 3° compagnies doivent se porter dans la
direction du Linge en renfort des troupes sur place (22
juillet)
- La 1° compagnie se porte au Linge par le boyau
4 (25juillet)
- La
1° compagnie se trouve dans des abris improvisés près du poste de
commandement du Colonel BRISSOT (nuit du 26 au 27 juillet)
- Attaque du Schratzmännele (27 juillet)
Plans du secteur du Linge
René JOLY fut très rapidement blessé par balle au pied
au
Linge (ou Lingekopf) le 27.07.1915 dans
la montagne des Vosges où un affrontement particulièrement meurtrier
eut lieu entre juillet et octobre 1915 qui fit 17.000 morts.
Aperçu des zones de
combat dans la région du Linge
Voici le détail du Journal du 121° BCP pour cette journée durant
laquelle René JOLY, de la 1° Compagnie, fut blessé.
27
juillet 1915
A six heures
le Colonel
commandant la 3° Brigade donne l'ordre suivant : "le Chef de bataillon
avec quatre compagnies devra se porter de la Crête du Lingekopf sur le
Collet du Linge où il attendra des ordres pour attaquer le sommet du
Schratzmännele. Deux compagnies du Bataillon resteront en réserve à la
disposition du Colonel commandant la Brigade". En exécution de l'ordre
le Chef de bataillon désigne comme troupe d'attaque les 1°, 2°, 3° et
5° Compagnies ; la 4° Compagnie restant en réserve au poste de
commandement du centre de la Crête du Linge et la 6° Compagnie au
Collet.
8 heures -
Le
Bataillon a commencé l'exécution de l'ordre. La 1° Compagnie est
établie en ligne de section face au sud à l'ouest de l'arrête
Lingekopf-Collet, sur la pente ouest du Lingekopf ; la 3° Compagnie
dans la même formation à 100 mètres en arrière ; les 2° et 3°
Compagnies prêtes à défendre cette formation.
8 heures 50' -
Ordre du Colonel commandant la brigade, l'attaque est différée. Les 2°,
5° et 4° compagnies restant sur leurs emplacements. Les 2°, 5° et 4°
compagnies sont réservées pour renforcer les compagnies du 30° et 14°
Bataillons éprouvées par le bombardement.
11 heures 50' -
Ordre du Colonel Messiny : "Avec les compagnies que vous avez sous la
main, attaquez le Schratzmännele, le 120° Bataillon est au sommet.
L'artillerie va préparer votre attaque sur la crête du Schratzmännele
jusqu'à 12h45'. Dès que le tir cessera vous commencerez votre attaque."
12 heures -
Les 1° et 3° compagnies après avoir subi des pertes importantes
occupent le boyau du Collet du Linge.
12 heures 30' -
Les deux compagnies 1° et 3° sont renforcées par un peloton de la 2°
compagnie avec le capitaine Moscovino ; à ce moment le bataillon a au
Collet du Linge les 1°, 3°, 6° et un peloton de la 2° compagnie, en
tout 6 officiers 366 hommes. Le commandant établi son poste de
commandement au blockhaus du Collet. L'ordre a été donné par le colonel
Messiny de retarder l'attaque.
14 heures -
Ordre du Colonel Messiny : "le 120° bataillon attaque sur le
Schratzmännele et la route du Hohneck avec les compagnies que vous avez
sous la main et attaquez vous-même dans ces deux directions".
14 heures 15' -
"Si vous n'avez pas de mitrailleuses devant vous, attaquez à 14h30'
dans les deux directions indiquées, je vous ferai soutenir".
14 heures 30' -
Le bataillon déclenche son attaque sur le sommet du Schratzmännele.
L'attaque a lieu par vague de peloton. Le mouvement commence par la 1°
compagnie. Cette compagnie a pour direction la ligne de plus grande
pente, qui va du Collet au sommet du Schratzmännele. La 2° compagnie
doit suivre le mouvement, prendre la même direction en flanquant à
gauche cette attaque. La 6° compagnie, même formation, doit flanquer à
droite. La 3° compagnie pousse l'attaque sur la direction principale,
le sommet du Schratzmännele.
Les 1° et 2° compagnies peuvent
exécuter la marche en avant ; elles sont arrêtées par un feu violent de
mitrailleuses et mousquèterie, avec tir de barrage de l'artillerie
lourde (130) tirant en tir fusant. Ces deux compagnies subissent en
quelques minutes des pertes considérables : les capitaines Jury et
Moscovino commandant ces deux unités sont tués, le sous-lieutenant
Perrolaz mortellement blessé.
La 6° compagnie qui doit suivre le
mouvement est arrêtée au débouché du boyau. Le commandant fait sonner
la "Charge" par ses clairons pour essayer de désembouteiller.
L'intensité du feu ennemi continue. Vers 14h45' il est matériellement
impossible d'avancer. Avec des éléments du 14° bataillon et du 359°
d'Infanterie, dans le boyau étroit du Collet, encombré de morts et de
blessés, la contre-attaque ennemie est arrêtée par un feu à répétition.
15 heures 15' -
Une cinquantaine de chasseurs allemands, conduits par un officier du
14° bataillon de chasseurs allemands, arrivent à prendre pied dans la
parallèle de départ ; ils sont vigoureusement contre-attaqués par des
fractions du bataillon commandées par le lieutenant Marteau et des
fractions du 14° bataillon de chasseurs commandées par le lieutenant
Monnier. La parallèle de départ est reprise. Ces allemands sont faits
prisonniers.
De 15h30 à 17 heures
plusieurs contre-attaques allemandes par le feu et le mouvement sont
repoussées.
Nuit
du 27 au 28 juillet 1915
Les éléments
du bataillon
existant encore passent la nuit du 27 au 28 dans le boyau du Collet du
Linge, sous le commandement du capitaine d'Aguin.
Dans la journée du 27, le bataillon a eu 8 officiers hors de combat :
- Tués : capitaine
Moscovino, capitaine Jury, sous-lieutenant Perrolaz.
-
Blessés : capitaine Privitera, capitaine Gircourt, lieutenant Cabarat,
sous-lieutenant Blanchetête, sous-lieutenant Richardeau.
36 sous-officiers et 670 chasseurs ont été tués ou blessés.
Champ de bataille du
linge de nos jours
Cette
blessure lui valut une petite
convalescence à Tournemire en Aveyron ainsi qu'au dépôt de
Physiothérapie de Montpelier (1916), ce qui lui épargna peut-être la
vie en lui évitant certains combats encore très meurtriers :
Carte adressée à René
JOLY en octobre 1916 durant sa convalescence
Le
conseil de réforme de Montpellier le maintint au service armé le
29.12.1916 avec proposition de changement d'arme, étant devenu inapte à
la marche suite à sa blessure au pied gauche : "raideur articulaire de
la tibio-tarsienne gauche". Il rentre au dépôt le 05.01.1917, passe au
62° Régiment d'Artillerie DCA (Défense Contre Aéronef) le 22.01.1917,
arrivé au corps le 23.01.1917 en tant que canonnier, affecté au 2°
secteur de l'AAA 3° armée le même jour.
Il passe ensuite à la 1°
batterie d'AC de 75 le 01.07.1919 et mis en congé de démobilisation le
26.08.1919 ar le 8° RAP avec certificat de bonne conduite.
La famille conserve
toujours ses médailles qui sont dans l'ordre de la photo ci-dessous :
- Croix de guerre 1914-1918 avec une citation (à l'ordre de
la brigade ou du régiment - croix en bronze avec étoile sur le ruban)
- Médaille interalliée 1914-1918
- Croix du combattant
- Médaille commémorative de la guerre 1914-1918
Décorations de René JOLY
avec diplôme rappelant une blessure et une citation dont le texte
serait à retrouver
René JOLY était membre des anciens combattants de la commune d'Uriménil
et
porte-drapeau.
Les anciens combattants
d'Uriménil, avec René JOLY portant le drapeau
René JOLY fut de nouveau mobilisé en 1939 et fit la campagne du
02.09.1939 au 29.02.1940.
Mon troisième arrière-grand-père,
Joseph LOUIS,
fut recensé en 1898 ou 1899 au canton de Xertigny (dossier 1R1490),
matricule au recrutement 957.
Il
fut appelé le 15.11.1899 pour faire son service militaire au
8°
Régiment d'Artillerie de campagne stationné à Nancy, matricule au corps
1639, en tant que 2° canonnier conducteur. Il devint Brigadier le
22.11.1900. Libéré le 20.09.1902, avec certificat de bonne conduite,
pour passer dans la réserve dès le
01.11.1902.
Joseph LOUIS, en uniforme
du 8° régiment d'artillerie, durant son service militaire
Il fit deux périodes d'exercice dans la réserve au 5° Régiment
d'Artillerie à Remiremont :
- du 21.08.1905 au 17.09.1905.
- du 07.12.1908 au 23.12.1908.
Il passa dans l'armée territoriale le 01.10.1902.
Et
fut également mobilisé (décret du 01.08.1914), est arrivé au
corps le
02.08.1914 et fit toute la première guerre
mondiale successivement
aux 7° Escadron du Train (7° E.T.E.M. - Escadron du Train des
Equipages Militaires) de la région de Dôle (7° Corps d'Armée), 19°
Escadron du Train
de la région de Paris (Gouvernement militaire de Paris) et enfin 21°
Escadron du Train de la région
d'Epinal.
Les
escadrons du train des équipages étaient généralement affectés
à
un corps d'armée portant le même numéro et avaient pour rôle le
transport de troupes, matériel et ravitaillement
principalement
par voitures à chevaux puis de plus en plus automobiles.
Il
serait très difficile de suivre précisément Joseph LOUIS vu le nombre
de ses affectations différentes, sans précision de dates, pour
une
activité de transport qui pas essence même nécessitait des
déplacements constants. Cette affectation dans des unités en général à
l'arrière du front explique qu'il survécut à la Grande Guerre sans même
être blessé et sans qu'aucun fait marquant ne nous soit parvenu.
Joseph LOUIS durant la
guerre (3ème sur la photo)
Il fut démobilisé le 24.01.1919 et affecté dans la réserve du 21°
Escadron du Train le 15.12.1921 puis du 20° Escadron du Train le
01.10.1924.
Enfin il fut classé sans affectation le 15.11.1926
après être passé dans la "Classe de mobilisation la plus ancienne de la
réserve" le 06.11.1923 comme père de quatre enfants selon la loi du
01.04.1923.
Enfin, le quatrième arrière-grand-père
Henri SAUNIER
fit également la première guerre mondiale. Malheureusement ses états de
service ne furent pas mis à jour par l'administration (dossier 1R1558).
N'y figure que le recensement de 1905, inscrit n° 115 sur la liste du
canton d'Epinal. Nous n'y avons que sa taille : 1 m 68 cm.
La seule information qui nous est parvenue est
que pendant les combats une balle fut arrêtée par son
portefeuille qu'il conserva après la guerre.
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