Jean Pillelipille, bâtard de Lorraine, seigneur de Darnieulles 

 


Le duc Charles II de Lorraine eut de sa maîtresse Alison May cinq enfants illégitimes qui furent officiellement reconnus et dotés lors des testaments du duc. Parmi ceux-ci, Jean PILLELIPILLE, vint au monde avant 1405. Ses armoiries furent les mêmes que celles de la famille de Lorraine, la bande (qui va de l’angle dextre du chef à l’angle senestre de la pointe) étant remplacée par une barre (qui va de l’angle senestre du chef à l’angle dextre de la pointe), les bâtards devant selon la coutume ajouter une brisure (élément qui modifie un blason hérité, pour distinguer aînés, cadets ou bâtards) sur les armoiries de leur père (1) :

Blason ancien Darnieulles
«  d'or à la barre de gueules chargée de trois alérions d'argent »

Une autre forme plus récente se retrouve sur une pierre provenant d’un manteau de cheminée du pavillon moderne attenant au château de Darnieulles et serait plus conforme aux règles de l’héraldique qui coururent à partir du XV° siècle qui voulaient  que les bâtards étaient « tenus de porter en leurs armes une barre qui les distingue d’avec les légitimes. Pratiquement, la brisure la plus courante fut une barre diminuée » (2) :
Blason moderne Darnieulles

« d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent, brisé d’une barre d’argent ? »


Jean PILLELIPILLE était mentionné dans le second testament de son père du 13.01.1425 : "donnons pareillement pour Dieu et en aulmosne à nostre amé fils bastard Jehan Pillelipille pour tousjours mais en heritage et en perpetuité cens florenes de terre, lesquels il tenra et repenra en fiez et en hommage lige de nous, nos hoirs et ayans cause". (3)
Ce fief pouvant être racheté pour 12.000 florins qui doivent être employés en achats de terres mouvantes des ducs de Lorraine. Il suit les recommandations de son père et entre en possession de la terre de Darnieulles (anciennement Darnuelle) dès 1428, dont lui et ses descendants prirent le nom, ce qui donna la seconde famille de Darnieulles. Cette seigneurie fut laissée vacante par la disparition de la première famille DE DARNIEULLES en la personne d'Ancel de Darnieulles, chevalier, décédé sans descendant entre novembre 1419 et mai 1421. Ce dernier fut le fondateur de la chapelle castrale de Darnieulles (chapelle attenante au château, aujourd'hui disparue, qui servit de sépulture aux familles des seigneurs de Darnieulles) et de l'hôpital de Plombières. La seigneurie passa donc à la couronne ducale qui y désigna un châtelain pour en assurer la gestion. (4)

Darnieulles en 1753
Darnieulles en 1753, avec en premier plan la chapelle castrale et le château (donjon) de Darnieulles
Au centre du village, l'église (5)
Archives départementales des Vosges

En février 1428, les noces de « Jehan bastard monseigneur » furent célébrées à Darnieulles. (4) Il avait épousé Marguerite D'ORMES avec qui il vivait en 1437. (6)

En 1439, il engagea le quart de la « forte maison de DARGNEULLE et du bourg » contre 300 florins à l'Evêque de Metz. (7)

Chateau de Darnieulles
Vue générale des restes du château de Darnieulles (7)
Carte postale ancienne à peu près conforme à l’état actuel du château, sans la végétation qui l’envahit progressivement. Nous distinguons le donjon sur la gauche, le rempart sur la droite et le logis moderne en arrière-plan. L’entrée du donjon, comme souvent à l’époque, était surélevée et était accédée par une échelle ou un escalier à l'intérieur d'une petite tour en fer à cheval surmontée d'un toit semi-conique, dont on distingue les traces sur le mur et au sol à l’extérieur du donjon. (8)


Le 08.11.1440, il s'intitulait « Jean bastard de Lorraine, seigneur de Darnieulles » dans sa lettre aux gouverneurs d'Epinal pour demander la libération du maire Paris D’HENNECOURT, son homme en partie. (7)

En 1444 Jacques DE MARCHIS fit une vente à « Jean de Lorraine, sire de Dannelle ». (9)

Il s'intitula de même le 06.09.1445 lors de l'achat avec sa femme Philippe DE MARCHES à Isabelle DE SAMPIGNY et Jacques MARC, son fils, de leurs parts de la Forteresse, ville et seigneurie de Blainville moyennant 200 francs. (10)




Vue générale du chateau


Plan ancien du château de Darnieulles (11) et photos modernes (de l'auteur)

avec en gris le donjon (XII° siècle) et les remparts (XIV° siècle) et en rouge le logis moderne nord (XV-XVI° siècle)


Le château de Darnieulles fut récemment dégagé des arbres alentours et
étudié par des archéologues : voir à ce sujet l'article Chantier d’archéologie du bâti à Darnieulles (Vosges) ainsi que les premiers résultats de l'étude.

Le donjon roman résidentiel comportait au moins trois niveaux avec en bas une salle de stockage, au 1er niveau, la cheminée ainsi que 7 petits puits de lumière, la salle de réception dont le plancher était probablement soutenu par des piliers en bois, enfin au 2ème niveau la salle privative. Le donjon fut probablement incendié, les pierres étant rougies à la hauteur du plancher du niveau 1. Les remparts étaient entourés d'un fossé.

Légende :

1 - Entrée du château à travers les remparts. Sur sa droite existe toujours un puits encastré dans la muraille et visible sur le plan.
2 - Le coin Sud-Est des remparts (aujourd'hui hangar agricole).

3 - La cheminée du donjon, l'une des plus anciennes de Lorraine.
4 - La porte d'entrée du donjon vue de l'intérieur ou l'accès à la latrine à fosse avec un puits de lumière. On distingue au-dessus la limite entre les niveaux 1 et 2.
5 - La porte d'entrée du donjon vue de l'extérieur ou l'accès à la latrine à fosse. (8)

Le 24.02.1454, Jean DE DARNIEULLES et sa femme vendirent à Jean, duc de Calabre, tous les droits qu'ils avaient à Blainville et dépendances, pour la même somme de 200 fr. (10)

Philippe DE MARCHES héritera de l'avouerie de Plombières provenant de son père Didier DE MARCHES, avoué de Marches en 1422, avoué de Plombières en 1427, seigneur de Damelevières et Blainville, par son mariage avec Isabelle DE SAMPIGNY. (11)

Sceau de Didier de Marches
Sceau de Didier de Marches en 1436
Extrait de Plombières au Moyen-Age de Georges Poull


Jean de Darnieulles recueillit le droit de désigner le maître de l'hôpital de Plombières dont les fondateurs n'étaient autres que les anciens seigneurs de Darnieulles. (11)

Nous le trouvons également cité « Jehan bastard de Lorrenne, chevalier, seigneur de Darnieulles » dans un échange d'habitants du 22.05.1452 avec l'abbé de Chaumousey : Echange entre Jehan de la Grant Maison, abbé de Chaumousey, et Jehan « bastard de Lorrenne », chevalier, seigneur de Darnieulles, d’habitants dont le détail est donné : l’abbé emporta le chasal « Le Quartier » avec la tenure de « Quoizel sise à Darnieulles de soub la cour », et donna au seigneur de Darnieulles le « chasal Mansesse Enseville » . (11)


Acte du 22 mai 1452
Acte du 22 mai 1452, citant Jean Bastard de Lorraine
Archives départementales des Vosges

Le 20 septembre 1455, « Jean, bâtard de Lorraine, chevalier, seigneur de Darnieulles », approuvait les libéralités de son écuyer Pierre dit Vassal, de Hadol, son homme en fief, envers le prieuré du Saint-Mont, près de Remiremont. (11)

Acte 20 septembre 1455
Acte du 20 septembre 1455, citant Jean, Bastard de Lorraine, seigneur de Darnieulles (11)
Extrait de Plombières au Moyen-Age de Georges Poull

Jean PILLELIPILLE décéda en 1458. « Jehan bastard monseigneur » épousa à Darnieulles en février 1428 Marguerite D’ORMES, avec laquelle il vivait en 1437, puis en secondes noces Philippe DE MARCHES, qui laissa (6) & (11) & (12) & (13) & (14) & (15) :


1-  Didier DE DARNIEULLES, né avant 1464, décédé en 1506, 
chevalier, seigneur de Darnieulles, Uzemain, Raon-aux-Bois, Padoux, Ceintrey. Il hérite du château et des terres de Darnieulles avant le 14.12.1472, date à laquelle il assiste aux assises de Mirecourt en compagnie d'autres nobles du bailliage de Vosges. Son ascension sociale est remarquable, maître d'hôtel de RENÉ II de Lorraine lorsqu'il lui rend hommage pour les fiefs qu'il possède en ses états le 14.09.1474. A partir de l'année suivante il se conduit brillamment pendant la guerre de Lorraine qui opposa le Duc de Lorraine au Duc de Bourgogne CHARLES le TEMERAIRE et il est armé chevalier avant la fin du conflit. Pour le récompenser le duc de Lorraine le nomme Conseiller en son hôtel le 01.03.1483, puis capitaine de son Château d'Arches le 31.12.1483. Il procède à l'inventaire de l'artillerie et des meubles du château d'Arches. Ses gâges annuels sont fixés à 100 francs, est mandaté le 28.10.1484, gratifié d'une pension le 21.04.1488 et enfin nommé bailli d'Epinal le 10.03.1493, fonction qu'il occupe jusque 1506. Didier DE DARNIEULLES possède également l'importante terre de Ceintrey qu'il administre dès 1477 et possède le droit de patronage de la cure de Mattaincourt, qu'il partage avec Jean D'HAUSSONVILLE. Le 05.09.1477 ses fils Claude et Jean confirment une rente perpétuelle créée par Didier DE DARNIEULLES au profit de la fabrique de l'église de Toul, à prendre sur les revenus de la seigneurie de Ceintrey. Le 22.01.1478 il cède sa prérogative sur la cure de Mattaincourt à la Collégiale d'Haussonville, en compagnie de sa mère et de ses soeurs, en échange de domaines situés à Padoux et Ceintrey, transaction confirmée par le duc de Lorraine les 14 et 20.04.1478. Le 26.02.1493 il hypothèque ses biens de Ceintrey au profit du chapitre Saint-Georges de Nancy.

20.04.1478

Je Rene par la grace de dieu duc de lorraine Marchis conte de vaudemont et de harrecourt  et a tous ceulx que les presentes les verront salut --- --- que les renonciation cession ancienne et transport --- faiz et passees par maitre --- et seal messire didier de darnuelles chevalier tant en son nom --- pour et au nom de dame phellippe de marches sa mere de ses freres et de tous sez comparsonniers et ayant cause desceulx il sest fait fort a noz treschiers et seaulx messires balthasar et Jehan de hassonville chevaliers pour et au nom de venerables prevost et chapitre --- saint claude de hassonville de la collation et patronaige de la de la cure de Matancourt pour apres le trespas du curé qui presentemant y est se bon leur semble lannexés et transportés perpetuellement avec la prebende de leur collegiale ou autrement et faire ordonnes et disposes a leur bon plaisir ainsi que par les --- --- fait entre les parties assistes cestes noz presentes sont --- --- --- --- aujourduy a la requeste dudit messire didier de darnuelles loué qéré ratiffié conformé et amorty louons querons ratiffions conformonz et amortissons par cez presentes pour tous --- pour et au prauffit des prevosts du chapitre de la collegiale de hassonville et de leurs successions saulf touttefuoyes en autres choses nos droits et --- Les tesmoins tous arront a ces presentes signees de leur main fait a --- notre seel que furent faites et données en notre ville de Nancy le XXe jour davril mil quatrecenz xoixante et dixhuit.

René

Le 20.06.1482, le duc de Lorraine autorise Didier DE DARNIEULLES à construire un gibet sur sa terre de Darnieulles qui remplace l'arbre des pendus pour exécuter les condamnés. Il est également seigneur d'Uxegney pour laquelle le duc de Lorraine accuse réception de ses reprises le 05.01.1499, et avoué de Plombières avec la famille DE MARCHES. Il est également seigneur d'Uzemain et Raon-aux-Bois qui dépendent de ses autres seigneuries. En 1502 il tente en vain à racheter aux chanoines de St Dié plusieurs familles de serfs, ainsi que des domaines, des cens et des rentes répartis à travers le ban et les finages de Bult et de Padoux. Didier DE DARNIEULLES épouse Isabelle FRESNEAU avant le 05.09.1477, date à laquelle il abandonne à la fabrique de l'église de Toul une rente de 12 gros à lever chaque année sur les revenus de la terre de Ceintrey en compagnie de "dame Ysabel DE FRANOY en Provence sa feme". En novembre 1474, JENNIN, peintre demeurant à Toul, fit des travaux pour les noces du sieur de DARNIEULLES (25). Depuis que René d'Anjou devint duc de Lorraine par son mariage avec Isabelle DE LORRAINE (tante de Didier DE DARNIEULLES), de nombreuses familles de Provence suivirent leur prince et beaucoup s'installèrent en Lorraine. Le dame de Darnieulles est nommée le 25.04.1484, vend sous le nom "Ysabeau FRESNEAU" avec son mari le 26.02.1493 une redevance en blé et en avoine à la Collégiale Saint-Georges de Nancy et obtient le 03.04.1510 des lettres du duc de Lorraine concernant la prolongation en sa faveur de la faculté de percevoir la pension accordée à son mari en 1488. Elle assiste le 20.04.1506 à l'entrée dans le chapitre d'Epinal de l'une de ses filles (16). 

Le 12.02.1519, Claude et Jean DE DARNIEULLES, frères, rappellent que leurs père et mère Didier DE DARNIEULLES, chevalier  et Ysabeau FRESNOY sa femme ont fait un don à la fabrique de l'Eglise de Toul. Ils s'engagent à verser la rente annuelle de 12 gros qu'ils ont assignée sur leur terre de Ceintrey.

Didier DE DARNIEULLES laissa plusieurs enfants d'Isabelle FRESNEAU :

 

1.A- Jean DE DARNIEULLES, hérita de l'avouerie de Plombières par sa mère et de la seigneurie de Ceintrey en partie par son père. Ayant un grand besoin d'argent il vendit le 12.03.1517 à Nicolas VARLET, maître de la monnaie du duc de Lorraine, et à sa femme sa part de la seigneurie de Ceintrey et ses dépendances pour 350 francs. Il est armé chevalier avant 1522. Son frère étant décédé, il hérita de sa part de la seigneurie de Cintrey (avec Château, forteresse, terre...), qu'il vendit à nouveau à Nicolas VARLET pour 600 francs le 16.12.1529. La moitié de la terre de Ceintrey lui sera restituée le 07.08.1533 contre 138 francs. Il cède plusieurs fiefs, dont sa moitié de la seigneurie d'Uzemain en 1522, puis l'autre moitié obtenue suite au décès de son frère en 1532, de la moitié de l'avouerie de Plombières et le quart de la seigneurie de Raon-aux-Bois et d'une partie de la seigneurie de Darnieulles (vendue à Roland DE THUILLIERES, seigneur de Hardémont), il se mit également au brigandage au point que les gouverneurs d'Epinal le signalèrent au bailli de Dombasles. Il décéda sans hoirs en 1535 et le reste de la seigneurie de Darnieulles revint au duc de Lorraine.


Adam du Bourg
Adam du Bourg
Vente des seigneuries tenues par la famille de Darnieulles (17)


1.B- Claude DE DARNIEULLES, hérite en partie de la seigneurie de Ceintrey par son père, décédé sans hoirs en 1529. Le 09.12.1524 Claude DE DARNIEULLES vend une partie des revenus du fief de Ceintrey pour 200 francs à Nicolas VARLET
, maître de la monnaie du duc de Lorraine. Il a épousé Catherine WYSSE, fille de Jean WYSSE de Gerbéviller, écuyer, et d'Isabeau DE CRAINCOURT, laquelle vivait toujours en 1536.

1.C- Philippe DE DARNIEULLES, reçue chanoinesse d'Epinal en 1506 et y est encore présente en 1511 et 1545, décédée après le 15.03.1546. Le 02.01.1542 Anne DE THUILLIERES, fille du seigneur de Darnieulles, fut reçue chanoinesse d'Epinal sur sa recommandation.

1.D- Anne DE DARNIEULLES, reçue chanoinesse d'Epinal avant le 03.02.1512. Elle participe à l'élection d'Alix de Dommartin, nouvelle abbesse, puis elle assiste à sa prestation de serment le 20.10.1528. Elle est toujours chanoinesse d'Epinal en 1545.

1.E- Claudine DE DARNIEULLESchanoinesse d’Epinal en 1512 et épouse après cette date Claude DE BARISEY (fils de Simon DE BARISEY, écuyer, seigneur de Blainville et de Damelevières en partie, et de Simone D'ABOCOURT), écuyer, seigneur de Bainville, lequel épousa en secondes noces avant avril 1522 Marguerite DE BREXEY (fille de Jean DE BREXEY, seigneur de Blainville en partie, et de Jacquotte DE SAVIGNY) (18). Ses deux frères Claude et Jean DE DARNIEULLES étant décédés sans descendants et ses soeurs étant restées chanoinesses d'Epinal, Claudine DE DARNIEULLES et sa fille devinrent les seules héritières de cette fratrie.

2- Charles DE DARNIEULLES, nommé le 10.07.1484 administrateur du prieuré de Neuviller-sur-Moselle qu'il prétendait avoir obtenu. La possession de ce bénéfice lui fut contestée par Guillaume DE HARAUCOURT, évêque de Verdun.

3- Isabelle DE DARNIEULLES, décédée après le 26.07.1480, alliée en premières noces au chevalier Conrad (ou Konrad ou Cunrad) HOBERDON, dit VON GACHNANG (nom d'une commune de Suisse), propriétaire dès 1405 du château de Leibenburg qu'il vendit en 1474 (Konrad VON GACHNANG), capitaine de Condé-sur-Moselle (maintenant Custines) puis capitaine de Bruyères (Conrad LE MOINE, dit HOBEDON), grand fauconnier des Vosges et écuyer tranchant du duc Jean II de Lorraine, décédé avant 1477 (19), et en secondes noces au chevalier Gaspard BUWEMAN (mentionné avec sa femme les 25.01.1477 et 26.07.1480), qui fut venu de Suisse grossir l'armée rassemblée par René II duc de Lorraine avec un fort contingent de mercenaires et dont la Chronique de Lorraine conserve le souvenir des hauts faits militaires. (20)



Liebensburg
Restes du château de Liebenburg en 1754 (21)

4- Claire DE DARNIEULLES, chanoinesse d'Epinal le 10.09.1493. Le 22.01.1478 elle échange sa part du droit de patronage de l'église de Mattaincourt contre d'autres biens.

5- Marguerite DE DARNIEULLES, alliée avant 1471 à Robert MORCEL, de Lunéville, voué d'Azerailles, conseiller du duc de Lorraine. Il était veuf d'Ithillon CACHET, de Raon-l'Etape, décédée le 22.02.1478, et fils de noble Jehan MORCEL, natif de Savoie, Maître d'hôtel de Charles II de Lorraine et gouverneur des salines de Lorraine, et d'Agnès de FRIBOURG. Le 21.07.1490 le couple achète une maison à Château-Salins pour 54 Francs. Robert MORCEL devint gouverneur de Château-Salins ainsi que de toutes les salines de Lorraine et mourut en 1491 et fut inhumé à Lunéville. Robert MORCEL fut fondateur du couvent des soeurs grises de Ste Elisabeth de Château-Salins. (24)

La légende du crucifix d’or du château de Darnieulles (22)

« Darnieulles possède les ruines de son antique château. Elles se dressent à quelques pas du village, sur la colline qui domine cette vallée de l'Avière rendue célèbre par la catastrophe de Bouzey. Les ruines de la vallée sont réparées, celles du château le seront-elles jamais ?

Cette question a préoccupé nos pères et fait naitre une légende. Or, en attendant l'histoire de l'ancienne seigneurie de Darnieulles, qu'on nous permette de ressusciter, parmi les choses mortes et oubliées la légende du Crucifix d'or. Elle a poussé sur ces vieux murs au souffle des siècles, comme la mousse au souffle des autans. Si elle a été fécondée par l'imagination populaire, elle n'a certainement pas poussé sans un germe plus ou moins historique. Quelles racines a notre légende dans l'histoire ? Nous l'ignorons, nous l'avons recueillie par bribes et par variantes sur les lèvres de quelques anciens et nous l'avons reconstituée d'après ces divers récits.

Le château de Darnieulles existait bien avant que le duc Charles II en fit le douaire de Jean de Pillepille, son fils naturel. Les ruines qui restent debout accuseraient le Xème ou le XIème siècle. Une tour à moitié démolie, quelques pans de murailles d'enceinte, percées d'ouvertures romanes, c'est tout ce qu'a épargné le temps de l'antique manoir qui abrita les premiers voués d'Epinal, avant d'abriter le bâtard de Charles II et d'Alison du May et dont l'un des descendants fut le héros de la légende du Crucifix d'or.

C'était sans doute vers la fin du XIVème siècle. Le sire de Darnieulles voulait éclipser par son luxe les seigneurs de Ville et de Fontenoy. Les fêtes et les tournois se succédaient et les revenus de la terre de Darnieulles ne suffisaient pas à payer les folies du jeune seigneur, qui dut vendre d'abord une partie de son bien, puis engager des bijoux de famille. Il en vint même à se défaire du grand crucifix en or massif, que quelqu'un convoitait depuis longtemps.

Ce joyau, oeuvre d'art et de foi, ce christ, don, parait-il, d'Alison du May au chef de la maison de Darnieulles, cette relique qu'on se transmettait pieusement de génération en génération, parce qu'elle avait reçu le dernier soupir des ancêtres, fut engagée sans remords.

L'acquéreur était venu lui-même au château de Darnieulles quérir sa proie. Mais, comme il l'emportait, au moment de franchir la cour, le crucifix devint lourd, si lourd qu'il fut impossible à son nouveau possesseur de faire un pas avec un fardeau si écrasant. Il laisse choir l'objet à terre et la terre cède sous son poids. Il le voit s'enfoncer dans le sol, la frayeur s'empare de lui, il croit que la terre va l'engloutir et il prend la fuite. Le seigneur de Darnieulles, à son tour effrayé, sent que l'argent lui brûle ses doigts, il le jette dans la fosse mystérieuse, creusée par le christ et la fosse se referme d'elle-même. Depuis lors, le christ d'or qui est enfoui dans le pourtour du château, plus jamais ne put être retrouvé. Le jeune seigneur était mort, après avoir perdu la raison, sans avoir pu indiquer l'endroit exact de cet enfouissement merveilleux. On creusa, on fouilla en coupes profondes, oncques on ne put mettre à jour, ni le christ d'or, ni l'argent maudit. Et, ajoute la légende, d'accord du reste avec l'histoire, cette noble maison de Darnieulles perdit, avec son joyau, sa fortune, son prestige et sa lignée. Moins d'un siècle plus tard, elle tombait en quenouille. Le fief fit retour au duché de Lorraine, puis fut de nouveau baillé à la famille de Beaufort-Gellenoncourt, qui l'occupa jusqu'au XIXème siècle avec des fortunes diverses. Ainsi, des le Xème siècle, trois illustres maisons se sont succédées à Darnieulles. Ses destinées sont-elles closes définitivement ? Peut-être, reprend la légende, car, ajoute-t-elle, si jamais le crucifix d'or est exhumé, l'antique château de Darnieulles retrouvera en même temps sa vie d'autrefois, son opulence et sa gloire, ses barons, ses valets en livrée et les carrosses dorés, qui firent si longtemps son orgueil. Telle est la légende du Crucifix d'or.

Ne cache-t-elle pas une vérité morale ? N'est-elle pas la preuve, que dans notre vieille Lorraine, la fidélité aux traditions ancestrales fut toujours regardée comme le soutien et la sauvegarde des familles ? »


Sources :

(1) Nobiliaire de Lorraine et du Barrois, DOM PELLETIER.
(2) Qu’est-ce que la noblesse ? Histoire et droit, Alain TEXIER, 1988, page 487

(3) Corps universel diplomatique du droit des gens, Jean du Mont baron de CARELS-CROON.
(4) Le lignage et la seigneurie de Darnieulles, Alexandre LAUMOND, Annales de la société d'émulation des vosges, 2000.

(5) AD88 2Fi2677 finage de Darnieulles.
(6) Bibliothèque Nationale de France – Dossiers bleus 309 – Famille de Gellenoncourt.

(7) Darnieulles d'hier à aujourd'hui, édité par la municipalité en 2000, éditions Aymard, Epinal. Pages sur le château et la chapelle de Darnieulles repris en partie dans le site de Daniel BIETTE avec une belle collection de cartes postales anciennes http://darnieulles-et-genealogie.pagesperso-orange.fr/Histoire/histoire.htm

(8) Le donjon résidentiel de Darnieulles, Alexandre LAUMOND, dans Le pays lorrain, juillet-septembre 1998
(9) Le Cabinet historique, volume 3, Louis PARIS et Ulysse ROBERT.
(10) Les communes de la Meurthe, Henri LEPAGE, 1853.
(11) AD88 2Fi2231. Le château est aujourd'hui propriété de Mr Maurice JEROME qui a autorisé la prise de ces photos et qui m'a apporté quelques indications, co-auteur de la référence 7.
(12) Plombières au Moyen-Age : son château et ses avoués, Georges POULL, in Annales de l’Est, 1 (1972), p. 39, et édition séparée par l'auteur.
(13) AD88 12H17.
(14) Les vosgiens célèbres, sous la direction d'Albert RONSIN, éditions Gérard Louis.
(15) La maison ducale de Lorraine, Georges POULL, 1ere édition, cahier VII, pages 21 à 23.
(16) La Maison ducale de Lorraine devenue la Maison impériale et royale d'Autriche, de Hongrie et de Bohême, Georges POULL, presses universitaires de Nancy, 1991.
(17) Les Dames Chanoinesses d'Epinal, Georges POULL, éditions Gérard Louis, 2006.
(18) Documents rares ou inédits de l'histoire des Vosges, Tome 8, 1884
(19) Famille de Barisey, Arnaud VAUTHIER, Généalogie Lorraine N° 159.
(20) http://www.angelfire.com/mi2/tree/origin.html
(21) Indications de Laurence HOUBERDON qui descend de cette famille dont les archives furent malheureusement détruites durant la seconde guerre mondiale.
(22) http://www.grashalm.ch/Ahnenforschung/Diverses/Wohnorte/Landenberg/Geschichte%20und%20Burgen%20der%20Landenberg.htm
(23) Histoire de la Lorraine, François RIBADEAU DUMAS, Albin Michel, 1979, reprenant la légende du Pays Lorrain, 1906. 

(24) Cahiers généalogiques de la prévôté d'Amance en Lorraine, tome I, Olivier Eyraud, 2012, page.

(25) Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, 1899, page 461.



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