Alison May, ou Lise
Dumay, ou Alizon d'Ermay selon les textes, est née vers 1383.
Sa mère était vendeuse de
fruits et légumes dans une échoppe près du palais ducal de Lorraine.
Son père n'était autre que Demenge COLLIN, dit LE PARFAIT, prêtre et
chantre de Saint-Georges de Nancy, homme connu de tous dans la société
nancéenne de l'époque. Ce dernier avait acquis dans deux actes du
09.03.1414 (pour les 3/4) et 24.07.1414 (pour le 1/4 restant) sa maison de la rue Boudière de Nancy dont
nous reparlerons plus tard. Cette maison était auparavant la propriété d'Euguenet LE TANNEUR, grand-père d'Alison. (1)
"
Saichent
tuit que Hannus, fil Thielleman de Gemunne (Sarreguemines) et fil
Katherine dicte la norisse monseigneur Ferry (Ferri de Bildstein), ait
recognu et confessei de sa plenne pure et franche voluntei qu'il ait
vendui pour lui et pour ses hors pour tous jours maix en heritaige a
signour Demenge COLLIN le Parfaict
chenonne de l'englise colegiaul sainct George de Nancey pour lui, ses
hors et aiant cause pour tous jours maix en heritaige et en perpeuitey
les trois parts d'une aison que lidit Hannus vendour avoit seant en la
ville de Nancey avec les usuares appartenans aux dis trois quars de
maison que li sunt eucheus de coste et de ligne de part pere et de part
mere, seant toute la dicte maison en la dicte ville de Nancey en la rue
de la Boudiere entre Mengin CHECHON d'une part et les hors la femme
Collard LE COURVESIER d'aultre part ; et est fait cy vendaige pour la
somme de quaitre vingt florins, deix gros monnoie coursauble pour
chacun florin, avec les costenges de ces presentes que lidit vendour eu
ait heu et receu dudit signour Demenge achetour dont il s'en tient pour
ben solt et paiier tout a son greif, et parmei quize gros de cens que
lesdits trois quars de maison doient chacun an a Poiret d'Amance. Toute
laquelle maison dessus dicte les dis Thiellemans et Catherine sa feme
ent et avoient prix a trescent du dit Poiret pour dous florins de cens,
si comme il appert par les lettres que lidit Hannus ait delyvrees aux
dit seigneur Demenge avec tout le droit raison et action qu'il y avoit,
peoit et devoit avoir... Que furent faites l'an de graice notre
seigneur mil quatres cens et treze, le nuesyme jour du moy de mars." Sceau de la Cour de Nancy.
"
Saichent
tuit que Bertremin, fil Thomais le Mercier prevost de Vezelize, ait
recognu et confessei de sa plenne et franche voluntei qu'il tant comme
mainbour et gouvernour de Marguerite, Ferry et Jehans, enffens Michiel,
fil de Catherine de Guelmond (Sarreguemines), darrienne femme
Thiellemant de la dicte Guelmond, la dicte Catherine grant mere des dis
enffens, desquelz enffens lidit Bartremin lour oncle se fait fort en
cestui cais, ait vendui pour tous jours maix pour et on nom desdis
enffens et pour lours hors a signour Demenge Collin le Parfait de
Nancey, prbtre chenonne et chantre de l'englise collegiaul monseigneur
sainct George de Nancey pour ledit signour Demenge, pour ses hors et
aiant cause, pour tous jours maix en heritaige la quarte partie d'une
maison avec la quarte partie des usuaires d'icelle maison appartenans
aux dits quart de maison, laquelle quarte partie de maison est venue et
eucheute aux dis enffens de part et apres le trespassement de la dessus
dicte Catherine leur grant mere ; toute laquelle est seant a Nancey en
la Boudiere entre les hors messire Jehan Collard de nancey prebtre que
fuit d'une part, et Mengin CHECHON d'aultre part ; et est fait cy
vendaige pour la somme de vingt seix florins septz gros et demey avec
lez costenges de ces presentes, que lidit prevost Bertremin en ait heu
et reçeu pour et on nom des dis enffens par la main du dit signour
Demenge achetour dont il s'en tient pour ben solt et paiier tout a son
grey, et parmey cinq gros de cens que ledit quart de maison doit chacun
an aux hors Poiret d'Amance... Que furent faictes l'an de graice notre
signour mil quatre cens et quatorze, le vingt quartryeme jour du moix
de jullet." Sceau de la Cour de Nancy
"La Dumay" était donc fille bâtarde
et
fille de prêtre. Tout la destinait à une misère certaine, les lois de
l'époque interdisant même la propriété pour les enfants illégitimes.
Plan de Nancy en 1477
montrant la proximité du Palais ducal (1) et de la
Collégiale Saint-Georges (2)
Cependant cette "
femme
d'une beauté ravissante et d'un esprit extraordinaire" eut
un destin tout autre. Charles
II, duc de
Lorraine,
ne fut pas insensible à ses charmes au point que "
depuis
qu'il connut Alison, Charles ne donna dans aucun des excès qui déparent
sa vie". Nous étions alors en 1419. "
Dévot et galant, il fondait des
hôpitaux et donnait des fêtes
à la belle Du May".
Dom Calmet dit
avoir vu des mémoires qui portent que le duc de Lorraine avait donné
des promesses de mariage à Alison MAY, que certains faisaient descendre
de la maison DE HARAUCOURT, d'autres de la maison DE LA ROCHE en
Allemagne, et que la duchesse Sophie, mère du duc, la nourrissait dans
son palais. (4)
Charles
II de Lorraine était un grand guerrier. Ses sceaux et ses monnaies nous
ont conservé ses traits et son costume de guerre :
Monnaie et gravure
représentant Charles II de Lorraine en tenue de combat
Charles
II participa à plusieurs croisades, en 1391 à Tunis, en 1396 à
Nicopolis, en 1399 en Livonie aux côtés de l'ordre teutonique.
En
1400 son
beau-père fut élu empereur. En 1407 il remporta une
victoire contre Louis d'Orléans qui fut fait prisonnier. Il ne
s'engagea pas dans le conflit franco-anglais de l'époque bien que le
roi de France le sollicita. Il devint en 1415 Connétable de France,
charge qu'il abandonna très vite. A la mort de Jean sans Peur, duc de
Bourgogne, Charles II devint neutre dans le conflit franco-bourguignon.
Charles II épousa en 1394 Marguerite
de Bavière, lesquels eurent plusieurs enfants :
- Isabelle DE LORRAINE, née en 1400, laquelle épousa René d'Anjou, qui devint par ce mariage duc de Lorraine.
- Louis DE LORRAINE, mort jeune.
- Raoul DE LORRAINE, mort jeune.
- Catherine DE LORRAINE, née en 1407, décédée en 1439, alliée à Jacques Ier margrave de Bade.
Charles II de Lorraine et
Marguerite de Bavière sa femme, fille de l'Empereur Robert de Bavière
Armoiries du Couple Charles II DE LORRAINE et Marguerite DE BAVIERE (21)
De sa liaison avec Alison, Charles II
de Lorraine
eut plusieurs enfants :
-
Ferry,
bâtard de Lorraine, l'aîné.
Il hérita par le testament de son père du château et
de
la terre de Bildstein et fut
à l'origine de l’illustre maison de ce nom.-
Jean,
bâtard de Lorraine, dit Pillelipille, notre ancêtre.
Il fut à l'origine des seigneurs et barons de Darnieulles.
- Ferry, bâtard de Lorraine, dit de
Lunéville, chevalier de St Jean de Jérusalem, commandeur de Xugney en
1459.
-
Catherine, bâtarde de Lorraine. Son
père lui légua en 1425 une dote de 1000 florins. Elle épousa en 1426
Frédéric DE DALHEIM (ou Friedrich von Dalheim ou Dallem ou Dalle ou
Dasle) (5) & (6). En 1426 Charles II
lui permit de faire le rachat d'une constitution de 100 livres de
rente, parce que son mari et elle avaient des difficultés pour bien placer
les 1000 florins (7). En 1435 René d'Anjou lui donna durant la vie de
son mari le château de Siesberg (Siersberg ou Siersburg, aujourd'hui en
Sarre, situé
au confluent de la Sarre et de la Nied) (5). Nous le trouvons
encore nommé le 17.02.1437 "
Nicolaus Vogt und Herr zu Honolstein une
seine Gemahlin Demode verpfänden dem Friedrich von Dallem, Burggraffen
zu Sirsberg, ihr Dorf Ryssendal um 150 Gulden" (8), le 21.12.1450
"
Friedrich VON DALHEIM, burggraf zu Siersberg" (9) ou le 17.08.1458, à
moins que ce ne soit son fils :
des Junkers Friedrich von Dalheim,
Burggrafen zu Siersberg
(10), un Burggraf étant un titre un peu
supérieure à celui de Comte. Ils étaient
peut-être les parents de Friedrich von Dalheim, époux de
Margaretha von Nusweiler, eux-mêmes parents de Philip von Dalheim, né à
Siersburg et marié vers 1480 à Claudia Wisse de Gerbeviller. Certains
généalogistes citent Marguerite de Neusviller comme épouse de Frédéric
DE DALHEIM après 1430, ce qui laisse supposer qu'il se remaria après
1435, date du dernier acte citant Catherine bâtarde de Lorraine.
- Isabelle, bâtarde de Lorraine, dite
Isabelle de Nancy, alliée à
Henri de Liocourt (chevalier, fils de Guillaume de Liocourt et de
Jeanne de Felain). En 1425 elle demeurait à Rosières quand Charles II son
père lui légua 600 florins. Le 18.03.1450, Henri de Liocourt déclara
tenir du
duc de Lorraine des droits sur Saint-Dizier, petit
village près de
Nancy. Le
09.08.1457, Isabelle de Nancy, alors veuve, vendit au duc Jean
de Calabre et de Lorraine ces mêmes droits pour le prix de 2000 vieux
florins du Rhin d'or. De leur mariage fut issu Perrin de Vroncourt, qui
épousa Claude de Burnom, et qui fut père d'Alix de Vroncourt, épouse de
Jean de Choiseul, et de Nicole de Vroncourt, morte sans postérité.
(11)
La famille de Liocourt
portait "d'azur à un léopard lionné d'or"
Charles
II de Lorraine
se sentant malade et voyant que les médecins ne le guérissaient pas,
envoya chercher une sainte fille du nom de Jeanne d'Arc. Nous étions en
1428-29 un peu avant le départ pour Chinon. La Pucelle lui dit
qu'elle n'avait aucune lumière du ciel pour lui rendre la santé ; mais
comme en toute occasion elle recommandait toujours la sagesse et la
crainte de dieu, elle lui conseilla de mieux vivre avec la duchesse, de
la rappeler près de lui et de renvoyer Alison Dumay, sa maîtresse, avec
laquelle il vivait publiquement. Du reste elle demanda au prince, comme
elle le faisait à tout le monde, de la faire conduire vers le roi, et
promit de dire alors des prières pour sa guérison. Charles
II de Lorraine
la
remercia et lui donna quatre francs. Certains pensent que Jeanne d'Arc
fut en fait influencée par l'entourage du duc qui souhaitait qu'il se
détache de sa belle Dumay. (4)
Entrevue de Chinon
N'ayant pas d'héritier mâle, ses deux fils légitimes
étant décédés jeunes, la succession de Charles II, était
alors incertaine. Selon certains, Charles
II de
Lorraine projetait de faire succéder son fils illégitime Ferry, bâtard de Lorraine, dit de Bildstein, à la tête du duché de
Lorraine :
«
ledict seigneur Charles avoit en prétention de faire estat à un sien
bastard qu'avoit de la Dumai. Et de faict, ledict bastard avoit esté ès fonts baptismaux dénommé de
mesme nom que l’avoient esté les princes fils du duc qu’estoient
morts ». (12) Le successeur légitime selon la loi salique était le neveu du duc, Antoine DE VAUDEMONT,
fils de Ferry DE VAUDEMONT le frère de Charles II,
lequel revendiquait le duché comme plus proche héritier mâle du duc.
Enfin les tractations diplomatiques et la noblesse lorraine en
décidèrent autrement. Il fut décidé de marier la princesse
Isabelle de Lorraine au capétien René d'Anjou,
beau-frère du roi Charles VII de France, lequel était également
héritier du duché de Bar. Cette union permit d'une part de contenter la
France, d'autre part d'assurer la continuité de la dynastie d'Alsace
via la fille de Charles II, enfin de réunir les duchés de Lorraine
et de Bar si proches géographiquement, historiquement et en
perpétuel conflit. Je ne vais pas détailler ici le premier testament du
duc Charles II qui excluait du mariage avec ses filles tout homme du
royaume de France, le second testament qui alla à l'encontre du premier
et qui plaça Antoine DE VAUDEMONT après les filles du duc dans la
succession du duché, ou des guerres qui opposèrent Antoine de Vaudémont
au duc Charles II, puis à la duchesse Marguerite de Bavière et au roi
René d'Anjou après la mort du duc. (4)
Ces tractations politiques n'empêchèrent pas
Charles
II d'assurer le futur de sa famille illégitime qu'il aimait beaucoup. Il dota largement et
officiellement, principalement dans son second testament, les enfants qu’il eut de sa
maîtresse à laquelle il donna de même la maison qu'elle habitait, avec
ses meubles, et qui venait en
fait de son père comme déjà mentionné.
"Item
nous pour nous, nos hoirs, pour Dieu et en aulmosne et pour prier pour
l'âme de nous à nostre fils bastard Ferry de Lorraine nostre chastel de
Billestein avec les appartenances et appendances, avec ce, l'y donnons
pour nous et nos hoirs, pour tousjours mais en perpetuité dous cens
Florenes de Terre chacun an, et l'y assignons comme il poulra apparoir
par les lettres sue ce faictes et iceluy chastel de Billestein, et
lesdits dous cens Florenes de Terre, doit tenir et repante luy et se
hoirs nez et procreez de son corps en leal mariage tenra et repanta de
nos hoirs, successeurs et ayans cause ducs de Lorrenne, ligement ; et
sera ledict chastel rendoublé et receptauble à nos hoirs, successeurs,
et ayans cause à besoing et sans besoing.
Item,
donnons pareillement pour Dieu et en aulmosne à nostre amé fils bastard
Jehan Pillelipille pour tousjours mais en heritage et en perpetuité
cens florenes de terre, lesquels il tenra et repenra en fiez et en
hommage lige de nous, nos hoirs et ayans cause, et voulons et ordonnons
que lesdits dons cens florenes de terre données audict Ferry de
Lorrenne, nos hoirs, successeurs et ayans cause, toutes et quantes fois
il leur plaira, ils puissent racheter et retraire des mains dudict
Ferry, ou de ses hoirs et ayans cause, parmy payement audict Ferry ou à
ses hoirs, de la somme de quatre mille florins tout à une fois, lequel
rachat faict, lesdits dous cens florennes de terre revanront et
retourneront franchement et sans debait à nos hoirs, successeurs et
ayans cause, et lesdit quatre mil florienes seront mis en acquest de
terre au plus pres de nostre duchié ou feire se poulra aultre part que
en noz fiedz ou arriere-fiedz, se dont n'estoit par le consentement de
nous ou de nos hoirs, successeurs et ayans cause, et icelle terre
acquestée fera tenue par ledit Ferry, ses hoirs ou ayans cause en fief
et hommage lige de nos hoirs, successeurs et ayans cause ducs de
Lorraine à tousjours mais : Et pareillement noz hoirs, successeurs et
ayans cause, toutes et quantesfois il leur plaira, peuvent l'achepter
et retraire des mains de nostredit filz Jehan Pillelepille lesdits cens
florenes de terre pour et parmey la somme de dous mil florins payant à
une fois audit Jehan Pillelipille, ses hoirs ou ayans cause. Lequel
rachat fait lesdis cent florenes de terre revanront et retourneront
sans debait a noz hoirs, successeurs et ayans cause, et lesdis dous mil
florins seront mis en acquest de terre au plus pres de nostre païs
autre part que en noz fiedz ou arrierefiedz, fe dont n'estoit par la
licence de nous ou de noz hoirs ducs de Lorraine, successeurs et ayans
cause, et icelle terre acquestée sera tenue par ledit Jehan en Fiedz et
hommage lige de nous, nos hoirs successeurs et ayans cause ducs de
Lorraine. Et fe nosdis enfans bastardz Ferry, et Jehan ou aucuns d'eulx
allait de vie à trespassement sans hoirs de leurs corps nez et procreez
en leaul mariage, la terre qu'ils tanroient de nous comme dit est,
revanroit et retourneroit franchement et librement, leellement et de
fait à nos hoirs, successeurs et ayans cause ducs de Lorraine sans
debait ou contredit quelconque.
Item, donnons pareillement à nostre amé filz bastard Ferry de Lunéville trois cens Florins tant seulement.
Item, à Catherine nostre fille bastarde mil florins pour son mariage pour une fois tant seulement.
Item,
donnons à Ysabel nostre fille bastarde demourant à Rousières six cens
florins pour son mariage pour une fois tant seulement.
...
Item,
nous pour nous, nos hoirs, successeurs et ayant cause, donnons pour
Dieu et en aulmone pour tousjours mais en heritage et en perpetuitei à
Alison MAY pour elle et ses suers apres elle et pour lours hoirs nez et
procreez de leurs corps en leal mariage la maison et grainche où elles
semourre, avec tous les usuaires devant derrier, de costé et de toutes
pars, du long, du large, ainsi comme elles se contiennent hault et bas,
seans icelle grainge en nostre ville de Nancey en la rue de la
Bourdiere quand à la partie devant, et par derrier, seant et ayant
yssue en la rue du moulin, entre une maison qui est à messire
Tiessellin aulmosnier de sainct George de Nancey qui joindit à Aignan
le Tanour son grand pere d'une part, et une maison que fuit Jehan Morel
le Tannoux, que tient à present Husson d'Essey en la rue de la Bodiere
d'autre part, et darrier en la rue du Moulin entre la maison Mongin
CHICHON d'une part, et ledit messire Thiessellin que fuit ledit Aignard
son grand pere d'aultre part.
Item,
donnons encor à ladite Alizon tous les meubles oudict hostel : c'est
affçavoir licts, linceus, couvertures, nappes, touailles, crevechiez,
peles et pos de cuivre, d'arrain et d'estain, plas, escuilles, grandes
et petites, bans, formes, chueres, vaxelles, juaulx d'or, d'argent, et
autres meubles qualsconques sans rien excepter ne retenir, et de ce
voulons et ordonnons qu'elle en a bonnes autres lettres à part de datte
et suivant la datte de cest nostre present testament, ordonnance et
derrenne voluntei.
...
avons
priei à nostre tres chier et tres ame fils René d'Anjou, duc de Bar,
marquis de Pont, comte de guise, mary et espoux nostre tres chiere
fille ainée Ysabel de Lorraine, qu'il vueille faire mettre son seel
pendant à ces présentes
...
Et
en signe et tesmoingnage de ce avons faict mettre nostre seel à ces
presentes, que furent faictes le unziesme jour du mois de janvier l'an
mil quatre cens et vingt et quatre." Scellé de deux sceaux de cire verte et rouge. (13)
Comme
nous l'avons déjà précisé, Alison ne pouvait selon les lois de l'époque
devenir propriétaire. Cette interdiction fut contournée par le duc que
nul n'osa contredire, même après sa mort. La maison du père d'Alison
(rue Bourdière, aujourd'hui Grande-rue) qu'elle habitait fut donnée par celui-ci au duc de
Lorraine le
29.11.1415. Ce dernier donna cette maison le lendemain 30.11.1415 à sa maîtresse "Alison de Nancey, fille dudit sire Demenge", ce qu'il confirma dans
son second testament du 11.01.1424 ainsi que par
acte spécial du 16.01.1424. (1)Je
retranscris ici l'intégralité du dernier acte qui
existe toujours et qui donne d'une part le nom du grand-père
d'Alison, qui confirme qu'elle était "bâtarde" comme ses soeurs
et fille illégitime de prêtre, et surtout qui montre que le duc de
Lorraine par cet acte scellé de son grand sceau lui accordait des faveurs
extraordinaires, passant outre les lois, coutumes et tendances de
l'époque, et
qu'il demandait fermement et solennellement à tous (dont
ses successeurs à la tête du duché) de respecter (2). Il faut
rappeler qu'à la même époque le concile provincial de Trèves de
1423 condamna les prêtres et clercs "ayant dans leur maison quelque
concubine ou femme suspecte" et défense leur fut faite "d'enrichir
leurs enfants illégitimes des biens du crucifix, de les marier, de les
tenir dans leur maison, de leur laisser leurs biens après leur mort".
Même Charles II fit valoir ses droits sur les "fils de prêtres" qui
habitaient la ville de Toul en 1420. (14)
"Charles
duc de lorraine et marchis. A tous ceulx qui ces présentes lettres
verront salut. Savoir faisons et congneissant a tous que nous
considerans les boins et loanbles et aggreaubles services que nous a
fait on temps passei, notre bien amee Aulison May
fait a tous les
jours, et esperons quelle nous fair on temps advenir. En recompensation
diceulz services et pour autres plusieurs causes ad en nous monnans.
Nous pour nous, nos hoirs et successeurs et aiant cause pour tousiours
mais en heritage et en perpetuite. Avons donne quitu a ladite et
transporte. Et par ces présentes donnons quictons et donnons et
transportons a ladite Aulison pour elle et ses suers après elle et pour
leurs hoirs de leurs corps pour tousiours mais en heritaige et en
perpetuité. Une maison et grainge appartenant a nous en laquelle elle
demeure avec tous les usuaires, devant darrier de couste et de toutes
pars du long et du large ensi comme elle se contiènes hault et bas.
Seans parelles maison et grange en notre ville de Nancy en la rue de la
boudiere, quant a la partie devant, et par derriere seant et aiant
aussi? en la rue du moullin Entre une maison que est a messire
Thiesselin aulmonsnier de saint george de nancy que fut jadis a
Euguenet LE TANNEUR son grand pere d'une part, et une maison que feu
Jehan MORET LE TANNEUR que tient a present Husson DESTEY en la rue de
la boudiere d'autre part. Et Derrière en la rue du moullin entre la
maison mougin CHICHON d'une part, et ledit messire THIESSELIN que fut
ledit Euguenet son grand pere d'autre part. Avec ce avons donne quiete
et de ce transpporte. Et par ces présentes donnons quietonsexdons et
transportons a ladite aulison MAY tous les mobles generaulment et
especiaulment que sont audit hostel. Cest assavoir licts,
linceux, couvertures, napes,
tonailles,
crevechiez, pelles et pos de cuivre, darrain, destain, plas,
escuelles,
grandes et petites, bans, formes, chaeres, vaixelles, juaulx d’or et
d’argent et autres mobles quelconques. Sans rien ne aquee excepter ne
retenir. Et de ladite maison des usuances devant darrier decoste musse
de tous lesdis mobles et ... diceulx tant generalement comme
especiaulment. Nous pour nous nos hoirs successeurs et aiant cause pour
tousiours mais en perpetuite. Nous eumes dennis et devestus de la
teneur et possession et en avons une et revestons mettons et revestons
par ces présentes ladite Aulison pour elle ses sueurs après son deces
et pour leurs hoirs de leurs corps, nes et procrees en ceal mariage en
usage reelle et paisible teneur et possession pour tousiours mais en
heritage et en perpetuite. Et ladite maison et grainge et aussi lesdits
mobles cy anciens ... ... ... estant ordonna et de même volonte
procedant en date des présentes dont la cause dudit testament touchant
ycelui don sensuit de mot en mot. Item nous pour nous, nos hoirs
successeurs et aiant cause donnons pour dieu et en almosne pour
toujours mais en héritage et en perpetuite a Aulison MAY pour elle et
ses suers apres elle et pour leurs hoirs nes et procrees de leurs corps
en ceal mariaige la maison et grainge ou elle demeure avec tous les
usuaires devant derriere de costes de toutes parts du long du large
aussi comme elles se contient hault et bas. Seant ycelles maison et
grainge en notre ville de Nancy en la rue de la boudiere quant à la
partie devant et y derriere. Seant y avant yssue en la en la rue du
moulin entre une maison que est a messire THIESSELLIN aulmosnier de
saint georges de nancy que fut jaidit a euguenet LE TADNEUR son grand
pere dune part et une maison que fut Jehan MORET LE TANNEUR que tient a
present Husson DESTEY en la rue de la boudiere dautre part, Et darrier
en la rue dumoulin entre la maison mougin CHICHON d'une part et ledit
messsire THIESSELIN que fut ledit Eugenet son grand pere dautre part.
Item donnons encore a ladite Aulison pour tous les mobles que sont
audit hostel cest assavoir licts,
linceux, couvertures, nappes,
tonailles,
crevechiez, pelles et pos de cuivre, darain et destain, plas,
escuelles
grandes et petites, bans, formes, chaeres, vaixelles, juaulx
d’or d’argent et autres mobles quelconques. Sans rien ne aques
excepter ne retenir et de ces biens voulons quelle en a bonnes ... ...
a part de date ensinant la date de ... notre présent testament
ordonnons en derniere volonte. Voulons en oultre et ordonnons pour nous
nos hoirs successeurs et aiant cause de grace especiaul que ladite
aulison puisse faire toute sa vie durant tout son bon plaisir et
volontei de ladite maison icelle vendre eschanger aliener soit par pur
don que testament ordonnant de derniere volontey ou autrement en
quelconque maniere quil lui plaira ou que bon lui semblera a quelconque
personne ou personnes tant legue comme seculiers que soit ou puisse
estre soit a ses anffans nees procrees de son corps ou a ses suers ou
aux anffans de ses suers bastardes ou a quelconques autres personnes,
de quelque estat ou condition quil soit, et voulons de ... pour ...
pour nous et nos hoirs successeurs et aiant cause que le don vendaige
ou alienation que ladite Aulison fera de ladite maison ou de partie
dicelle soit ferme et estauble a tous mais non obstant quelle soit
bastarde fille naturelle et illegitime de pretre et non obstant tous
droits estre ou non estre, toutes coustumes et usaiges au contraire
tant de notre presente comme de quelconque aultre. Toutes lesquelles et
singulieres les choses dessus distes et chacune dicelles. Nous pour
nous nos hoirs et aiant cause. Avons promis et promettons par ces
présentes, en bonne foy, et en parole de prince, tenir fermes et
establis a tousiours mais sans sans contretenir par nous, nos hoirs,
successeurs ou aiant cause, ni autre dependant nous ou aulong de nous,
directement indirectement en apport ni en requy en maniere que soit, et
de pourter dudit don bonne et seaul garantie a ladite aulison, ses
sueurs apres elle et aux hoirs de leurs corps nes et procrees en seaul
mariaige, a tousiours mais en perpetuite encontre tous et envers tous
toutes des... fraudes ... ... ... ... et ... cessants et aviez mises.
En signe de verite avons fait meitre notre grand seel pendant aux
presentes. Que furent fait le seizeyme jour du moy de Janvier lan mil
quatrescens et vingt et quatre.
Monseigneur le Duc."Le 02.08.1425 Alison transmit à la collégiale Saint-Georges de Nancy cette même maison en vue de doter la chapelle que le duc avait
fondée en l'église Saint-Georges, laquelle maison le chapitre
laissa, moyennant deux francs de cens, à Agnès et Jeannette, soeurs de
la donatrice. (15)
"Saicent
tuit que comme Aulison MEY de Nancey ait donner pour tousiours maix,
pour et on nom de la chapelle que tres hault, noble et puissant prince
monsignour Charles duc de Lorrane et marchis ait fondee ng chacun jours
une haulte messe de nostre Dame, laquelle chappelle siet en l'englise
collegiaul monseigneur sainct George de Nancey a l'entree du cuer a la
senestremain, une maison avec lez usuaires davant et derriere
appartenant a la dicte maison, seant en la ville de Nancey, et sict
ycelle maison par davant en la rue de la Boudiere, entre une maison que
fuit Euguenat LE TANNOUR, que messire THIESCELLIN chenoinne et
elmonnier de la dicte englise sainct George tient ad present d'une
part, et une maison que fuit Jehan MORAT LE TANNOUR, qu'estoit a
Housson D'ESCEY LE PARMENTIER et qu'est a Warnaire PARMENTIER
monsigneur le duc et a Aulison, femme audit Warnaire d'aultre part ; et
siet la dicte maison par derrie en la rue u Mollin entre Mengin CHCHON
LE TANNOUR d'une part et une partie de maison ue fuit messire Humert
prestre, qu'estoit a Jehan BERTRAND le courvizier et qu'est ad present
a la dicte Aulison d'aultre part ; comme ceu et autres chozes apparent
plus plennement par lettre de la donnation que lez dis prevost et
chappiltre en ont par devers aulx sur ceu faictes. De la quelle messe
lez dis prevost et chappiltres de la dicte englise sainct George ont la
chierge de la faire deservir comme il appert par la fondation que
faicte en est. De ceu est assavoir que lesdis prevost et chappiltres
pour la dicte chappelle et pour la dicte englise sainct george ont
recogneus et confesseis de lours pleinne voluntei qu'ilz ont laixier et
ascencier pour tousiours maix en heritaige la dessudicte maison avec
tous ses dis usuaires a la dicte Aulison et a ses hoirs yssans et
procreez d'elle ; se nulz en avaient et apres le trespassement d'elle
et de ses hoirs, comme dessus est dit, ilz ont laixier et ascencier
pour tousiours maix a Agnes et a Jennette suers de la dicte Aulison et
aux hoirs des dictes Agnes et Jennette neiz et procreez en Jeaul
mariaige. Et est fait cy dit laix et ascensement parmeyceu que la dicte
Aulison et ses hoirs yssans d'elle comme dit est et les dictes Agnes et
Jennette sa suer et lours hoirs neiz et procreez en leaul mariaige que
l ict maison et ses dis usuaires tauront en paieront et renderont
chacun an a tousiours maix la somme de dous frans de cens annuel et
perpetuel, douzes gros monnoie coursable pour chacun frans, paiant
chacun an a la dicte chappelle et a ceulx que seront tenus de la faire
desservir selon e contenu de la dicte lettre de donnation, avec octz
frans de cens que la dicte Aulison ait jai donnee a la dicte enlise
sainct Georges comme toutes les choses dessudicts apparet plus
plenement par la lettres des oltz frans de cens et dez dis dous frans
que les dis prevost et chappittre en ont par de vers eulx. Lesquelx
deix frans de cens se doient paiier et paieront chacun an tant a la
dicte englise comme a la dicte chappelle la moitie le jour de feste
sainct Estenne londemain de Noel, et l'autre moitié le jour de feste
sainct Jehan Baptiste sur la poinne du double ; laquelle maison en
demouroit pour lez dis deix frans de cens et pour le double, s'il y
encheoit, pour la demener aus us et coustumes du paiix. Et avec ceu ont
promis lez dis prevost et chappittre pour aulx et pour lours
successours pour jousiours maix qu'ilz ne puent ne ne doient souffrir
demourer nulz quelcuncques chenoinnes vicaires chappellains ne aultres
personnes quelcuncques quel qu'ilz soient en la dicte maison fors que
la dicte Aulison, ses hoirs yssans d'elle et, apres la dicte Aulison et
ses dis hoirs, les dictes Agnes, Jennette sa suer et lours hoirs neiz
et procreez en loiaul mariaige, parmey les dis deix frans de cens
paiant chacun an par la forme et meniere dessus dicte. Et toutes lez
chosez dessus dictes et une chescune d'icelles ont promis lez dis
prevost et chappitre pour aulx, pour lours successours, pour lours
dictes englize et pour la dicte chappelle par lour serment donnei et
soub l'obligation de tous lez biens de leur dicte englize en chiefz et
en membrez, meubles et heritaiges presens et advenir par tout, qu'ilz
pourteront a tousiours maix bonne et leaul warentie de la dicte maison
laixier et de ses usuaires a la dicte Aulison et a ses hoirs comme dis
sunt et aopres le trepassement de la dicte Aulison et de ses hoirs,
comme dit est, a la dicte Agnes, a Jennette sa suer et a lours hoirs
nez et procreez en leaul mariaige, contre tous et envers tous jusques a
droit. En tesmoingnaige de veritey a la requeste dez dis prevost et
chappittres sunt ces presentes lettres scellees du seel du tabellion
monsignour le duc de sa court de Nanccy, saulf son droit et l'aultrui,
et encor pour plus grant seurtei et pour estre lez choses dessus dictes
plus fermes et estaubles, les dis prevost et chappittres ont mis leur
seelz pendant en cez presentes avec le seel dudit tabellionnaige de
Nanccy. Que furent faictes l'an de graice nostre Signour mil quaitres
cens et vingts cinqs, le secon jour du moix d'aoust, presentz maistre
Dedier DE VILLE, sorcillon, curey de Wahegney et maistre dez escolles
de Nancey et Aubertin de Nanccy clerc fil le grand Jehan LE TANNOUR
tesmoingz ad ceu appelleis et requis." (1) & (16)
Afin de préparer
sa
retraite à la mort du duc, Alison se fit recevoir en 1427 pensionnaire
ou privaudière à l’hôpital Saint-Nicolas
pour une
somme de 110 francs. Elle devait recevoir quarante sous par an pour se
vêtir
et, par jour, un pain blanc de Saint-Ladre du poids de trois livres,
une
portion de viande, un pot de vin, le feu, la lumière dans sa chambre,
ainsi que
le linge de lit, de corps et de table. Elle prévoyait
de se retirer à Metz, au couvent de Sainte-Glossinde, où
elle possédait un canonicat, cependant cette précaution fut
inutile comme nous le verrons.
Vue de Nancy en 1477
D
ès
la
mort du duc de Lorraine, Alison fut maltraitée et
assassinée comme le rappelle Dom Calmet "Mort
il fut, incontinent elle fut prinse,
fut mise en son premier estat, et mise sur une charrette, par
tous les quarts-forts de la ville fut menée, on lui jestoit merde au
visage, secretement on la feit morir ;
se ce n’eust
esté pour l’honneur du Duc on l’eust fait mourir honteusement, mais
pour l'honneur du Duc mourut secretement". Les
auteurs s'accordent cependant à dire qu'elle n’avait pas
abusé de l’ascendance que ses
charmes et son esprit lui avaient donné sur le duc bien que l'un d'eux
écrit "cette maîtresse gouverna longtemps la cour et le duché de
Lorraine". Dom Calmet nous dit que "Le Duc se laissoit gouverner par
une amoureuse qu'il tenoit, de nom s'appeloit Aizon, mais elle estoit
estimée d'estat et de Damoiselle ; elle gouvernoit le Duc tout à sa
volunté ; moult de bien elle feit à sa parenté" ou alors que "La Pauvre
malheureuse Alizon elle faisoit du Duc tout ce qu'elle vouloit".
(4)
Collégiale Saint-Georges
de Nancy
Joignant le palais ducal de Lorraine à l'orient
Il convient de revenir un
peu en arrière afin de préciser les liens étroits entre la Collégiale
Saint-Georges et le pouvoir ducal. Il faut rappeler que tout nouveau
duc prêtait serment en l'église Saint-Georges et que tous les titres
importants du duché, le trésor des chartes, ainsi que les
joyaux étaient sous la garde
des religieux qui les entreposaient dans une tour dédiée. Même René d'Anjou, duc de
Lorraine en raison de son mariage, ne pouvait accéder au trésor des
chartes qui fut protégé par cette clause du second testament de Charles
II : "
Ne
doit point entrer en notre trésor, luy ne autre pour luy, pour
quelconques affaires que ce soit, ne pour quelconque besoing que on en
ehut. Et s'il advenoit que on ehut affaire d'aucune lettre de notre dit
trésor pour le fait de notre dit païs de Lorraine, oudit cas le prevost
de Sainct-George, ou dous chanoines des plus souffisans de ladite
église, tous iceulx natifz de notre païs que devront garder et
garderont les clefz dudit trésor debveront aller audit trésor et quérir
les lettres qu'il sera besoing d'avoir, icelles monstrer, et eulx ou
aucune d'eulx s'il est besoing les doit porter ou qu'il sera nécessité
et rapportei, les mectre arier ou dit trézor, et ensi toutes et
quantesfois le cas y escherra" (17). Les chanoines et officiers
étaient nommés par le duc et ne dépendaient que de la justice propre du
duc. Les confréries de métiers étaient également rattachées à la
collégiale Saint-Georges. Le fait que la maîtresse du duc était la
fille d'un religieux de la Collégiale Saint-Georges ne faisait donc que
renforcer des liens déjà très forts et cette situation reçut une
bienveillance particulière des religieux. (18)
Raoul,
duc de Lorraine, grand-père de Charles II, fit construire son
palais
ducal dès 1339 ainsi que
la chapelle de la collégiale St Georges
dès 1341 à Nancy, "
laquelle est sise au milieu de son duché,
où il y a
grand peuple et qui est plantureuse et convenable pour une pareille
fondation". Les travaux ne furent achevés que par son fils Jean. Ces
bâtiments étaient si proches qu'il était possible d'aller de l'un à
l'autre à couvert. La chapelle fut depuis Raoul le lieu de sépulture de
la famille ducale et de l'ensemble de la haute noblesse Lorraine. (19)
Palais ducal avant 1743L'église Saint Georges, détruite en 1743, est sur la droite et la tour du trésor des chartes à l'arrière du palais
Vues du palais ducal de Nancy aujourd'hui
A
gauche, l'entrée principale (l'église Saint-Georges se trouvait juste
sur sa droite), au centre vue du bâtiment principal, à droite vue de la
cour intérieure
Charles
II de Lorraine tira l'église St Georges de la juridiction de l'évêque
de Toul, pour la rendre immédiatement soumise au St Siège par des
Bulles qu'il obtint du pape Martin V au concile de Constance, où il se
trouva en personne. Parmi les motifs que ce prince exposa pour obtenir
ces bulles, il expliqua que cette église de St Georges était la
sépulture de ses père et mère, et de la principale noblesse de ses
états. Il y fonda l'autel de la Messe de Prime à l'honneur de St
Maurice, auquel Jean son père avait beaucoup de dévotion. Il y fonda
également par acte du 10.03.1424 la chapelle de la Première Messe à
l'autel Notre-Dame, et
après l'avoir magnifiquement ornée pour le temps, il y choisit sa
sépulture. (19)
Cette
chapelle était située à l'entrée du choeur, "
à la senestre partie devers
nostre hostel, c'est assavoir en neufve chapelle que de nouvel y avons
fait edifier, pour à icelui aultel et chappelle que de nouvel y avons
fait edifier, pour à icelui aultel et chappelle celebrer et chanter à
notes et à deschant... une haulte messa de Nostre Dame...".
Elle était
magnifique et ornée de colonnes de marbre. Sur les bas reliefs, le duc
Charles était représenté à genoux, ayant derrière lui le duc
Saint-Charles de Bretagne (Charles de Blois était son grand-oncle,
frère
de sa grand-mère Marie de Châtillon, épouse de Raoul de Lorraine) qui
le présentait à la Vierge. La chapelle prit
également le nom de Chapelle des chantres, parce que l'on y chantait
tous les jours la messe en musique. Cette sépulture consistait en une
statue "
moult richement faicte",
située près de l'autel de la première messe, sur un tombeau orné d'écus
aux armes de Lorraine, sans inscription, ou s'il y en avait autrefois,
elle fut enlevée lors de l'utilisation des colonnes de marbre utilisées
pour enrichir le grand autel de Saint-Georges. Le
tableau de l'autel de la chapelle représentait en relief l'adoration
des mages, les
figures en petit du duc au côté de l'épitre, et de Marguerite de
Bavière son épouse au côté de l'évangile. La tradition ajoutait que
l'effigie de la personne placée entre le duc et la duchesse coiffée
différemment des autres figures, était celle d'Alison du May. (19)
Cette scène devait ressembler à cette sculpture de la même époque :
Exemple d'une adoration
des mages
Marguerite
de Bavière, épouse de Charles II, l'une des plus vertueuses princesses
de son temps, mourut en odeur de sainteté, et fut inhumée devant
l'autel de Prime, et ne voulut qu'une simple tombe avec cette
inscription : "
cy-gist très-haulte et très-puissante Princesse
MARGUERITE DE BAVIERE, Duchesse de Lorraine et Marchise, qui trépassa
le 26e jour du mois d'Aoust, l'an de grace de Notre-Seigneur 1434.
Priez Dieu pour son ame". Sur sa tombe était gravé un ange tenant
l'écusson écartelé aux armes de Lorraine et de Bavière. (19)
Plan de l'église
Saint-Georges
Le tombeau de Charles II de Lorraine se situait dans le choeur, à gauche
de la lettre
d
Intérieur de l'église
Saint-Georges en 1608 lors des pompes de Charles III de Lorraine
Un historien nous confirme que
"
Charles
II tenait tellement à sa maîtresse qu’il voulut la représenter dans une
chapelle qu’il avait fondée en la collégiale Saint-Georges de
Nancy où se trouvera son mausolée jusqu'à la destruction de l'église :
il
ordonna au sculpteur de donner ses traits à une des bergères qui
devaient
figurer dans un bas-relief représentant l’Adoration des Mages".
Ou un autre : "
A la contretable de l'autel de cette chapelle était
ainsi en
relief l'adoration des trois rois, au pied était l'effigie en
petit du prince et de Marguerite de Bavière, son épouse, et parmi les
effigies des bergères on y voyait celle d'Alison May". (19)
Nous ne savons pas si
cette représentation
d'Alison Dumay en la chapelle de la collégiale St Georges de Nancy
fut conservée,
celle-ci ayant probablement été détruite en 1717 avec le choeur
de
la Collégiale
Saint-Georges sur ordre de Léopold duc de Lorraine en vue de faire
construire un nouveau palais, ou avec le reste de l'église St Georges
rasée complètement par Stanislas. Comme nous le rappelle un historien :
Le tombeau "de Charles Ier, duc de Lorraine, fils de Jean de Lorraine,
fut
aussi renversé ; il en est resté une partie qui est dans un coin de
l'église. Le mausolée de ce prince était à côté de l'autel de la
première messe, dont le contour contenait une chapelle magnifique pour
le temps de sa fondation. A la contretable de l'autel était en relief
l'adoration des trois rois, au pied était l'effigie en petit du prince
et de Marguerite de Bavières, son épouse, et parmi les effigies des
bergères ont voyait celle d'Alison de May, maîtresse de ce prince,
laquelle, suivant les pieuses intentions de ce souverain, qui avait
fondé cette chapelle, y avait fait elle-même une donation d'une maison
sise à la Grande-Rue". A ce jour nous ignorons si une
gravure en a été faite. (19)
Par
ailleurs, dès 1853 l'inventaire du
musée de
Nancy citait, au numéro 127, d'une petite peinture à l'huile du XVII°
siècle, qui
présente
la tête d'une gracieuse jeune femme, peinte dans le goût et avec le
costume de cette époque. D'après la tradition, cette figure offrait
le portrait de la célèbre Alison du May, donné au musée par Mme Elise
VOIART. La moitié de la collection de tableaux fut détruite durant un incendie le 17 juillet 1871. Le
musée de Nancy indique aujourd'hui que ce portrait ne figure plus dans
l'inventaire et qu'il a probablement été détruit durant l'incendie.
Nous savons cependant qu'il était lors de l'incendie à côté du portrait de Barbe
d'Ernecourt, dame de Saint-Balmont, qui lui existe toujours... (3)
Voici
le tombeau de Jean de
Lorraine, père de Charles II, en la collégiale St Georges de Nancy.
Il
nous donne un aperçu du soin apporté à ce genre d'édifice :
Certains
auteurs rapprochent l'histoire d'Alison May de celle d'Agnès Sorel (1422
- 1450) qui,
avant de devenir vers 1444 favorite du roi de
France Charles VII, fut
étrangement
demoiselle de compagnie d'Isabelle de Lorraine, qui n'était autre que
la fille du duc Charles II de Lorraine. Michelet pense même
que Yolande d'Anjou joua un rôle d'entremetteuse et qu'elle "donna"
Alison au duc, ce qui "endormit" le vieux duc et expliqua par la suite
le mariage de René d'Anjou à Isabelle de Lorraine, tout comme elle
"donna" Agnès Sorel à Charles VII. (20)
Portrait d'Agnès SOREL
Et
second parallèle, les historiens pensent que le portrait de la vierge à
l'enfant, qui orna quelques années après la mort d'Agnès Sorel la
Collégiale Notre-Dame de Melun, représentait ses traits,
tout comme Alison May fut représentée dans le
bas-relief représentant l’Adoration des Mages en la Collégiale St
Georges de Nancy.
Vierge à l'enfant -
Collégiale Notre-Dame de Melun
(aujourd'hui
au musée royal des beaux-arts d'Anvers)
Sources :
(1) Histoire de Nancy, Pfister, tomes 1 à 3, 1908.(2) AD54 1J65
- l'original de cet acte a disparu et l'exemplaire conservé est la
copie donnée à Alison, qu'elle transmit à la collégiale Saint-Georges
lorsqu'elle lui fit dont de sa maison. Pfister dans son Histoire de
Nancy cite un autre exemplaire aux archives nationales, KK 1124 cité
par Siméon Luce ainsi qu'une copie moderne sous la cote AD54 B821.
Pfister indique également qu'aux AD54, sous la cote B829, se trouve une
série de documents concernant cette maison.
(3) Gazette des beaux-arts, 1859.(4) Histoire de Lorraine, Tome VII, preuves de l'histoire Tomes XVIII et
XIX, dom Calmet. Les propos
romancés proviennent du livre de V. Sackeville West (1955), Saint Joan
of Arc, avec cependant un fonds de vérité issu de la déposition de
Marguerite la Touroulde au procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc :
"Jeanne m'a raconté que le duc de Lorraine, qui était malade, voulut la
voir. Ils eurent ensemble un entretien, où elle lui dit qu'il se
gouvernait mal, et qu'onques ne guérirait s'il ne s'amendait ; et elle
l'exhorta à reprendre sa bonne épouse."
(5) Le Cabinet historique, volume 3, Louis Paris et Ulysse Robert.
(6) Sur Dalheim voir Dalem, ancien comté de Lorraine par Gérard et Alain Maas, 1983.
(7) La maison souveraine et ducale de Bar, Georges Poull, 1994.(8) Urkundenbuch für die Geschichte des gräflichen und freiherrlichen
Hauses der Voegte von Hunolstein, volume 2, Friedrich Toepfer, 1867.
(9) Documents sur l'histoire de Lorraine, Fuchs, 1899.
(10) Regesten der Prämonstratenserabtei Wadgassen bis zum Jahre 1571, Josef Burg, 1980.
(11) Nobiliaire de Lorraine et du Barrois, Dom Pelletier, famille
Liocourt.(12) Histoire de Lorraine, tome 2, Auguste Digot.(13) Corps universel diplomatique du droit des gens, Jean du Mont baron de Carels-Croon.
(14) La mission de Jeanne d'Arc, tome 1, colonel de Liocourt.
(15) Journal de la société d'archéologie et du Comité du Musée Lorrain,
1852-53, Nancy, 1853.(16) AD54 G359, le parchemin replié portait autrefois 3 sceaux. La transcription est intégralement reprise dans (1).
(17) Lotharingia I, Sceaux de l'histoire de Lorraine, Société Thierry Alix, 1988.
(18) Villes et bourgs de Lorraine, Jean-Luc Fray, 2007.
(19) L'insigne église collégiale St Georges, Henri Lepage, Mémoires de la
société d'archéologie lorraine et du musée historique lorrain.
(20) Agnès SOREL et Charles VII, F.F. Steenackers, 1868 & Histoire de France, tome V, J. Michelet, 1852.
(21) http://www.geneanet.org ascendance d'Olivier DE BREM.
ainsi que :
- Histoire généalogique des maisons souveraines de l'Europe, vol 2, par
Nicolas Viton de Saint-Allais.
- La Lorraine, antiquités, chroniques, légendes.... Leupol et Eugène de
Mirecourt, Nancy 1840.
- Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, Lionnois, 1805.
- L'investigateur, journal de l'Institut Historique, tome V, III°
série, 22° année, Paris, 1855.
- Mémoires de la société d'archéologie
et du Comité du Musée Lorrain, troisième série, 9° volume.
- Histoire physique, civile, morale et politique de Nancy, ancienne
capitale de Lorraine, Jean Cayon, 1846.
- Les ducs de Lorraine, 1048-1757, Jean Cayon, 1854.
- Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, 1364-1477,
volume V, baron de Brugière Barante.